Après une semaine en
Pologne, ma route passe à présent par la République Tchèque. J'y
suis déjà venu trois fois. Trois fois en passant par Prague. Pour
changer je vais esquiver la très belle capitale. J'aurais eu plaisir
à redécouvrir le pont Charles, la vue du château sur sa colline,
la place centrale et son horloge astronomique et le très populaire
et captivant quartier Zizkov. Mais il est bien de voir de nouvelles
choses, je choisis donc Olomouc comme destination. Petite
agglomération au sud du pays où je visite un cœur de ville
ensoleillé où l'on profite de l'ombre des terrasses des deux places
centrales voisines. Une grande église trône autour de jolies
façades colorées aux tons pastels. Agréable détour de mon voyage.
Calme et apaisant.
Le lendemain, je rejoins
l'Autriche et Vienne. Là aussi il s'agit de retrouvailles. C'est une
très jolie ville. Peut être trop à mon goût. Trop riche, trop
lisse. On chemine dans l'abondance de bâtiments d'envergure aux
lignes classiques, d'imposantes statues et de longues colonnades.
Depuis cette descente européenne, c'est la première fois que je
ressens la force d'une ville. Tous ces riches édifices de pierre
sont le témoignage minéral du pouvoir qui se dégageait d'ici. Les
rues sont gorgées de touristes, ce qui tranche très nettement avec
le calme de la veille à Olomouc. Une demi-journée sera amplement
suffisante pour goûter à nouveau
à l'atmosphère viennoise. Je poursuis ensuite ma route vers Munich
qui est une de mes étapes clés de cette virée européenne.
Munich
est une ville dont je connais bien l'aéroport, lieu d'escale (avec
Francfort) de nombreux de mes
trips (la Lufthansa offre des tarifs imbattables au départ
de Toulouse). J'avais bien envie
de découvrir la ville cette fois. Je ne serais pas déçu, la
capitale bavaroise est très accueillante. Une belle architecture
s’enchaîne à mesure que je passe de rues en places. La tension de
la coupe du monde suit mon voyage. Pour son dernier match de poule,
l'Allemagne joue aujourd'hui contre la Corée du Sud. Un match qui
doit être une formalité en principe. Mais, tout ne se passe pas
toujours comme prévu. Au fil du match, mes voisins de comptoir se
décomposent. L'Allemagne n'a jamais été éliminé à ce stade de
la compétition. Il faut donc une première. Ce sera aujourd'hui. Je
quitte le bar où je laisse une poignée de supporters hagards. Je me
retrouve sur Marienplatz,
la place centrale. Le lieu est toujours richement garni de touristes
qui enchaînent les photos devant les monuments comme si de rien
n'était. Mais à chaque fois que je croise le regard d'un(e)
allemand(e) vêtu(e) de la tunique nationale, blanche ou verte, aux
trois bandes et frappée des quatre étoiles je peux lire la détresse
et la stupéfaction. Le lendemain le temps est pluvieux, au diapason
de l'ambiance locale. J'en profite pour visiter la Résidenz.
Le lieu de pouvoir des ducs et rois de Bavière. Le Versailles local
en somme. Une aile est consacrée à l'exposition de l’impressionnant
trésor (couronnes, épées, reliques et autres objets
religieux...) qui pose bien le
prestige des hôtes des lieux. Le château offre un ensemble de
pièces, jardins, théâtre et chapelle dans les standards luxueux de
ce que l'on peut découvrir dans ce type d'endroit. J'ai
particulièrement apprécié l'antiquarium, vaste
pièce voûtée tout en longueur offrant une belle luminosité.
Dans ce parcours
européen, l'étape suivant Munich était également choisie de
longue date : Fussen. Tout petit village allemand collé à la
frontière de la Bavière et du Tyrol autrichien. Les trois heures de
bus sont l'occasion de traverser un paysage très vert dans lequel se
dessine au loin les Alpes. Je termine la journée à vagabonder, sous
un soleil retrouvé, dans ce petit village à l'héritage médiéval.
Je suis imité par beaucoup de touristes. Il faut dire que ce village
n'est que la cerise sur le gâteau. La grosse pâtisserie est en
effet à cinq kilomètres de là, une belle pièce montée toute
blanche posée sur une petite colline au milieu de la forêt :
le château de Neuschwanstein,
celui-là même qui a inspiré Disney pour celui de la Belle au bois
dormant. Un bijou de verticalité. Après l'avoir observé sur toutes
ces coutures, je m'extrais de l’impressionnante foule pour
m'aventurer plus loin sur un chemin de crête qui traverse la forêt
et offre de belles vues sur le jolie lac voisin, des faux airs de
Canada.
A
présent, j'ai donc mis une croix en face de tous les lieux que je
voulais découvrir sur ce petit
voyage (à l'exception il est vrai de l'île de Pâques),
je peux donc rentrer. Je comptais passer tranquillement par la
Suisse, mais ça s'annonce assez cher et compliqué. Après quelques
recherches, je trouve un vol à un prix plus que compétitif au
départ de Stuttgart. Voilà donc ma dernière étape. Je profite des
trois heures de train me menant à la capitale de Bade-Wurtemberg
pour admirer le vert éclatant des pâturages allemands. De la gare
jusqu'à mon hôtel, je ne suis pas tout à fait sûr d'être
toujours en Allemagne. Les gens sont en très grande majorité vêtus
aux couleurs de l'équipe de football de la Croatie et son
caractéristique maillot à damier rouge et blanc. La Croatie
affronte le Danemark en soirée certes, mais que font tous ces gens
là. Plus je m'approche de l'hôtel, plus le phénomène s'amplifie
pour atteindre son paroxysme dans la rue juste à côté de mon lieu
de résidence. Une dizaine de camions de police sont stationnés
prêts à bloquer la grande avenue. En quinze minutes de marche j'ai
croisé ainsi, facilement, deux ou trois milles croates. Après
documentation, il s'avère qu'une part importante de la population de
Stuttgart est étrangère et que les croates en sont une grosse
minorité représentant prés de 3%, soit environ 100.000 âmes dans
l'agglomération. Ceci expliquant donc cela. Je décide de me joindre
à cette foule pour le début du match. On dira ce qu'on veut sur le
football mais ça reste un des rares événements réellement
populaires capable de drainer une telle passion.
Le
lendemain pour la dernière journée à proprement parlé de mon
voyage, je déambule donc dans Stuttgart. Là aussi, je découvre une
ville agréable, une longue avenue piétonne et commerçante qui
descend de la gare et sert de véritable colonne vertébrale au
centre-ville. Une grande place centrale animée, un marché, un
sympathique parc avoisinant et de nombreux jolis monuments à
admirer. La recette est connue et les ingrédients sont là. Une
autre ville qui présente tous ces atouts c'est Toulouse bien sûr.
Hâte de la retrouver.
Voici
donc l'heure des premiers bilans. Le moment où tu regardes en
arrière et contemple le chemin parcouru. Ça donne un peu le
vertige. 345 jours, 30 pays, plus de 100.000 kilomètres. La moitié
en avion et l'autre partie directement sur la croûte terrestre et
ses océans. Quand tu avances quotidiennement, sac sur le dos, de
ville en ville, d'émerveillement en émerveillement, tu ne réalises
pas vraiment ce que tu a accompli. Traverser l’Atlantique en cargo,
camper au Canada, se réveiller sous les neiges du parc Yellowstone,
suivre les traces des mayas, aller au bout du monde à Ushuaïa,
fêter la nouvelle année à Valparaiso, saluer les dauphins de
Nouvelle Zélande, partager le quotidien d'une famille hmong, voir le
jour se lever sur Angor Vat, se dorer au soleil sur les plages
thaïlandaises, re-tomber amoureux du japon, dormir sous une yourte
chez les nomades mongols et tant, tant, tant d'autres choses. Et là
encore, quand j'écris ces lignes, je ne mesure certainement pas
encore totalement tout cela. Il va falloir du temps, de la digestion,
pour réellement réaliser. Toutefois, j'ai déjà conscience de
beaucoup de choses. De belles sensations. Celle tout d'abord de
m'être libéré de quelque chose. Quelque chose de lourd,
d'indicible, de sournois, d'inconscient qui nous limite au quotidien.
Cette liberté et son ivresse ont été mon moteur de début de
voyage. Elles m'ont mené à un état de sérénité. Celui où tu
réalises que tu ne pourrais pas être ailleurs à cet instant
précis, que tu es au meilleur endroit pour vivre le moment présent.
Ce sentiment je l'ai éprouvé une bonne dizaine de fois. Et à
mesure que j'avançais, cette état de plénitude s'est transformé
en force et en puissance. Affranchi de mes lourdeurs quotidiennes
passés, compagnon du temps qui passe, mon esprit à profiter de tout
ce nouveau décor pour s'évader sans arrêt et découvrir de
nouveaux horizons, de nouvelles questions, de nouvelles richesses. Le
voyage est certainement la meilleure et la plus douce des drogues.
Il
est temps à présent d'atterrir,
de revenir à plus de normalité, de banalité. Pas de réalité. La
réalité j'y étais en plein dedans pendant un an. Je ne pouvais pas
être plus dans la réalité des choses d'ailleurs. Après deux ou
trois semaines de vacances à l'étranger durant lequel on a goûté
à un ailleurs troublant on a tendance à sombrer de nouveau bien
vite dans un quotidien qui efface ces réalités
de voyage pour n'en laisser qu'une vague trace lointaine dans nos
souvenirs. Je ne veux pas de cette amnésie. Je vais continuer
d'avancer les yeux bien ouverts. On verra bien ce que l'avenir me
propose mais il va être dur d'arriver à m'enfermer de nouveau sur
une route que je n'ai pas tracé. Plus que jamais je vais préserver
cette liberté à laquelle j'ai goûté. Le temps le dira mais je me
sens armé pour ça à présent. On dit souvent qu'il faut rêver sa
vie et vivre ses rêves. C'est cliché, mais cependant cela ne peut
pas être plus vrai. On a qu'une vie, la sienne. Il faut en profiter
et ne pas avoir peur d'explorer nos propres envies. La peur paralyse
mais les regrets eux sont certainement bien plus redoutables.
Ainsi
va s'achever la trace de mon voyage. Il va être temps de refermer ce
livre digital. Le fermer provisoirement car je compte bien y écrire
de nouvelles lignes. Celles d'une nouvelle histoire, mais je les
garderai certainement pour moi cette fois ci. Je vous remercie pour
l’intérêt que vous avez apporté à ce blog et pour les nombreux
messages que vous m'avez envoyés. Cela a été une force sur la
route. Cela a été un plaisir de l'écrire. Là aussi, je suis
content d'avoir pu et su trouver l'espace pour réaliser une de mes
envies, l'écriture. J'espère que la lecture aura été inspirante
et qu'elle vous aura, également, donné envie de devenir vous aussi
acteur de votre propre histoire. Bon voyage, quel qu'il soit.
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