lundi 18 décembre 2017

Sauvage Argentine


4h du matin, mon réveil me sort de mon lit. Une petite demi heure de marche pour gentiment émerger et observer le lever de soleil sur Ushuaïa (c'est l'été ici, et tout au sud, à cette période, les jours sont très long). Je prends place dans le bus qui doit me conduire à Rio Gallegos, douze heures plus au nord. Les premières heures se font sous le soleil à remonter un paysage de reliefs enneigés, puis le temps vire au gris, on passe la frontière pour faire une excursion de quelques centaines de kilomètres au Chili. Au bout de l'île de la Terre de Feu c'est sous la pluie que nous embarquons dans le ferry nous raccrochant au continent. Je passe l'attente en compagnie d'un chien attiré par mes sandwichs. De l'autre côté, au bout d'une grosse demi heure supplémentaire de route nous repassons en Argentine. Techniquement, ma quatrième entrée sur le territoire. Le douanier se perd un peu dans l'ensemble de mes tampons. L'eau tombe fort à présent et nous atteignons une ville de Rio Gallegos littéralement inondée. Une étape sans grand charme. Dés le lendemain matin je prends un autre bus à destination d'El Calafate au nord mais côté ouest, côté montagne. Le temps est plus clément et me permet de profiter du paysage. Un désert mousseux ressemblant à un tapis verdâtre et terreux balayé par le vent. A allure d'escargot, le bus file dans cette pampa et cet environnement monotone. Rien, pas une habitation entre les deux villes durant les quatre heures de routes. Pour autant les lieux ne sont pas inhabités pour autant, c'est le territoire des guanacos (sorte de lamas) qu'on aperçoit gambader à distance raisonnable.



 Finalement aux abords d'El Calafate, les cimes enneigées se détachent de ce décor vert pale au reflet jauni. El Calafate est la base pour les excursions des alentours. Petit village offrant tout le confort nécessaire à un touriste. Le vent y souffle cependant très fort. Je terminerai la journée en allant explorer le bout de ce village posé au bord du lac Argentino. Une immense étendue d'un bleu turquoise profond directement nourrie par la fonte des glaciers voisins. Je visite la petite réserve naturelle touchant le lac et observe les oiseaux se battre contre le vent. 





Le lendemain, on se rend au plus prés du massif montagneux et de ses glaciers, à quatre vingt kilomètres de là. Je me contenterai du plus accessible et du plus célèbre : le Perito Moreno. Première approche en bateau pour admirer sa face sud, j'observerai l'autre versant à partir de l'ensemble de passerelles lui faisant face. Soixante à soixante dix mètres de haut sur une largeur de plus de cinq cent mètres et une longueur de plus de cinq kilomètres. Plus grand que la ville de Buenos Aires. Un dégueulis de glace à perte de vue. Si un marcheur blanc débarquait je ne serais même pas surpris. La glace figée offre différentes teintes bleutés en fonction des jeux de lumières. Encore un spectacle époustouflant. Régulièrement des craquements se font entendre de la masse blanche et de gros glaçons se détachent et partent vivre leur propre vie dans le lac turquoise.









L'étape suivante du périple sera à El Chalten pour s'adonner à quelques excursions pédestres au plus prés du relief de Patagonie et du mont El Chalten (plus connu sous son nom de « baptême européen » de Fitz Roy). Le temps clair et dégagé permettra d'admirer de face les monts enneigés sur la dernière heure de route. El Chalten est nettement plus petit qu'El Calafate. Il est vrai qu'à part de la randonnée il n'y a pas grand chose à faire dans le coin. Le vent s'est levé, le temps va tourner. Le lendemain, pour avoir une chance de profiter au mieux de ma journée, j'attaque ma randonnée à l'aube, peu après 6h. Au programme vingt kilomètres aller-retour jusqu'au Lagos de Los Tres. Je traverse la rue « principale » du village encore endormie et entame ma randonnée dans un environnement désert. J'arrive vers 8h au lac Capri où je profite d'un joli point de vue sur les monts dégagés et le Fitz Roy mais les nuages se rapprochent. Je poursuis mon chemin dans la jolie ambiance que m'offre la nature patagonne. Trois kilomètres plus loin quand le Fitz Roy réapparaît dans mon champ de vision il est déjà sous les nuages. Le dernier kilomètre est le plus ardu, une ascension sur un ersatz de chemin abrupt offrant pas moins de quatre cent mètres de dénivelé. Le vent tournoie et maintenant la pluie commence à tomber. Les derniers hectomètres sont épiques et offrent des allures de Mont Ventoux. Plus de végétation, des rafales de vents impressionnantes et une pluie fine qui pique le visage. Tant bien que mal j'arrive au lac de montagne. Impossible de deviner le haut du sommet face à moi. L'endroit très inhospitalier me pousse à écourter ma présence et amorcer la redescente avant de finir frigorifié. Durant les trois quarts d'heure de celle-ci j'aurai une petite pensée pour tous les gens que je croise dans l'autre sens. Ils souffrent mais ils n'ont pas encore la moindre idée de ce qu'ils vont affronter en haut. Une fois en bas, le temps redevient clément. Après une pause déjeuner à base d'empenadas, le chemin du retour sera agréable. Le lendemain la pluie touche à son tour le village. Ce sera ambiance pantoufle et chocolat chaud à l'auberge. Et au vue de mon effort de la veille ce n'est peut être pas plus mal. Au chaud, je regarde par la fenêtre le brouillard dévorer l'horizon. Le tenancier chambre gentiment les randonneurs frustrés reclus à l'intérieur : « c'est ça le temps en Patagonie ! Pour le soleil il fallait aller à la plage ! ». Même sur le ton de l'humour, je sens quelques grincements de dents. Mais c'est vrai, cette Argentine sauvage est magnifique. Toutefois il faut accepter les aléas météorologiques et savoir consacrer du temps aux étapes pour apprécier cela à sa juste valeur. 











Mon temps au pays des gauchos est fini. On va poursuivre en Patagonie mais du côté chilien. Classique bus de nuit, douze heures, tarif standard. On laisse El Chalten sous la pluie et on reprend la ruta 40 à travers la pampa argentine. Quand le soleil se lève, nous avons bien abattu les kilomètres mais le panorama reste le même : un désert verdâtre sans relief, sans arbre où gambadent les guanacos. A Perito Moreno (le village), nous bifurquons à gauche ver le Chili. Les montagnes apparaissent au loin et se font la promesse d'une autre ambiance. Le trajet se finira à Los Antiguos (capitale nationale de la cerise!) dernier village avant la frontière. Quinze kilomètres la séparent de sa voisine chilienne Chile Chico. Pas de bus, pas de taxi... J'ai déjà entendu ce refrain. Le stop sera un échec, la suite de l'aventure passera donc par trois heures de marche matinale. Mais je ne serai pas tout seul, en effet tous les occupants du bus sont dans le même cas. Je fais donc « marche commune » avec un groupe de huit étudiants français. Notre collaboration se poursuivra au terminal de bus où nous embarquons dans le même mini-van. Il n'y a d'ailleurs plus de place. Nos sacs sont sur nos genoux. Encore quatre heures de route. L'invention du goudron ne semble pas être parvenu jusqu'à cette partie du Chili. Le trajet sera donc cahoteux et poussiéreux. Mais le parcours est fabuleux sur un chemin escarpé qui s'accroche au relief bordant le somptueux lac de Buenos Aires (le deuxième plus grand d'Amérique du Sud). Les montagnes enneigées en fond complètent un joli tableau marqué par une belle explosion de couleurs florales (à dominante jaune et violette). Fin du parcours à Puerto Rio Tranquilo. Première escale chilienne. Nous sommes dans la région de Rio Ibanez. Un signe.

  


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