4h
du matin, mon réveil me sort de mon lit. Une petite demi heure de
marche pour gentiment émerger et observer le lever de soleil sur
Ushuaïa (c'est l'été ici, et tout au sud, à cette
période, les jours sont très long).
Je prends place dans le bus qui doit me conduire à Rio Gallegos,
douze heures plus au nord. Les premières heures se font sous le
soleil à remonter un paysage de reliefs enneigés, puis le temps
vire au gris, on passe la frontière pour faire une excursion de
quelques centaines de kilomètres au Chili. Au bout de l'île de la
Terre de Feu c'est sous la pluie que nous embarquons dans le ferry
nous raccrochant au continent. Je passe l'attente en compagnie d'un
chien attiré par mes sandwichs. De l'autre côté, au bout d'une
grosse demi heure supplémentaire de route nous repassons en
Argentine. Techniquement, ma quatrième entrée sur le territoire. Le
douanier se perd un peu dans l'ensemble de mes tampons. L'eau tombe
fort à présent et nous atteignons une ville de Rio Gallegos
littéralement inondée. Une étape sans grand charme. Dés le
lendemain matin je prends un autre bus à destination d'El Calafate
au nord mais côté ouest, côté montagne. Le temps est plus clément
et me permet de profiter du paysage. Un désert mousseux
ressemblant à un tapis verdâtre et terreux balayé par le vent. A
allure d'escargot, le bus file dans cette pampa et cet environnement
monotone. Rien, pas une habitation entre les deux villes durant les
quatre heures de routes. Pour autant les lieux ne sont pas inhabités
pour autant, c'est le territoire des guanacos (sorte de lamas)
qu'on aperçoit gambader à distance raisonnable.
Finalement aux
abords d'El Calafate, les cimes enneigées se détachent de ce décor
vert pale au reflet jauni. El
Calafate est la base pour les excursions des alentours. Petit village
offrant tout le confort nécessaire à un touriste. Le vent y
souffle cependant très fort. Je terminerai la journée en allant
explorer le bout de ce village posé au bord du lac Argentino. Une
immense étendue d'un bleu turquoise profond directement nourrie par
la fonte des glaciers voisins. Je visite la petite réserve naturelle
touchant le lac et observe les oiseaux se battre contre le vent.
Le
lendemain, on se rend au plus prés du massif montagneux et de ses
glaciers, à quatre vingt kilomètres de là. Je me contenterai du
plus accessible et du plus célèbre : le Perito Moreno.
Première approche en bateau pour admirer sa face sud, j'observerai
l'autre versant à partir de l'ensemble de passerelles lui faisant
face. Soixante à soixante dix mètres de haut sur une largeur de
plus de cinq cent mètres et une longueur de plus de cinq kilomètres.
Plus grand que la ville de Buenos Aires. Un dégueulis de glace à
perte de vue. Si un marcheur blanc débarquait je ne serais
même pas surpris. La glace figée
offre différentes teintes bleutés en fonction des jeux de lumières.
Encore un spectacle époustouflant. Régulièrement des craquements
se font entendre de la masse blanche et de gros glaçons se détachent
et partent vivre leur propre vie dans le lac turquoise.
L'étape
suivante du périple sera à El Chalten pour s'adonner à quelques
excursions pédestres au plus prés du relief de Patagonie et du mont
El Chalten (plus connu sous son nom de « baptême
européen » de Fitz Roy).
Le temps clair et dégagé permettra d'admirer de face les monts
enneigés sur la dernière heure de route. El Chalten est nettement
plus petit qu'El Calafate. Il est vrai qu'à part de la randonnée il
n'y a pas grand chose à faire dans le coin. Le vent s'est levé, le
temps va tourner. Le lendemain, pour avoir une chance de profiter au
mieux de ma journée, j'attaque ma randonnée à l'aube, peu après
6h. Au programme vingt kilomètres aller-retour jusqu'au Lagos de Los
Tres. Je traverse la rue « principale »
du village encore endormie et entame ma randonnée dans un
environnement désert. J'arrive vers 8h au lac Capri où je profite
d'un joli point de vue sur les monts dégagés et le Fitz Roy mais
les nuages se rapprochent. Je poursuis mon chemin dans la jolie
ambiance que m'offre la nature patagonne. Trois kilomètres plus loin
quand le Fitz Roy réapparaît dans mon champ de vision il est déjà
sous les nuages. Le dernier kilomètre est le plus ardu, une
ascension sur un ersatz de chemin abrupt offrant pas moins de quatre
cent mètres de dénivelé. Le vent tournoie et maintenant la pluie
commence à tomber. Les derniers hectomètres sont épiques et
offrent des allures de Mont Ventoux. Plus de végétation, des
rafales de vents impressionnantes et une pluie fine qui pique le
visage. Tant bien que mal j'arrive au lac de montagne. Impossible de
deviner le haut du sommet face à moi. L'endroit très inhospitalier
me pousse à écourter ma présence et amorcer la redescente avant de
finir frigorifié. Durant les trois quarts d'heure de celle-ci
j'aurai une petite pensée pour tous les gens que je croise dans
l'autre sens. Ils souffrent mais ils n'ont pas encore la moindre idée
de ce qu'ils vont affronter en haut. Une fois en bas, le temps
redevient clément. Après une pause déjeuner à base d'empenadas,
le chemin du retour sera agréable. Le lendemain la pluie touche à
son tour le village. Ce sera ambiance pantoufle et chocolat chaud à
l'auberge. Et au vue de mon effort de la veille ce n'est peut être
pas plus mal. Au chaud, je regarde par la fenêtre le brouillard
dévorer l'horizon. Le tenancier chambre gentiment les randonneurs
frustrés reclus à l'intérieur : « c'est ça
le temps en Patagonie ! Pour le soleil il fallait aller à la
plage ! ». Même sur
le ton de l'humour, je sens quelques grincements de dents. Mais c'est
vrai, cette Argentine sauvage est magnifique. Toutefois il faut
accepter les aléas météorologiques et savoir consacrer du temps
aux étapes pour apprécier cela à sa juste valeur.
Mon
temps au pays des gauchos est fini. On va poursuivre en Patagonie
mais du côté chilien. Classique bus de nuit, douze heures, tarif
standard. On laisse El Chalten sous la pluie et on reprend la ruta 40
à travers la pampa argentine. Quand le soleil se lève, nous avons
bien abattu les kilomètres mais le panorama reste le même : un
désert verdâtre sans relief, sans arbre où gambadent les guanacos.
A Perito Moreno (le village),
nous bifurquons à gauche ver le Chili. Les montagnes apparaissent au
loin et se font la promesse d'une autre ambiance. Le trajet se finira
à Los Antiguos (capitale nationale de la cerise!)
dernier village avant la frontière. Quinze kilomètres la séparent
de sa voisine chilienne Chile Chico. Pas de bus, pas de taxi... J'ai
déjà entendu ce refrain. Le stop sera un échec, la suite de
l'aventure passera donc par trois heures de marche matinale. Mais je
ne serai pas tout seul, en effet tous les occupants du bus sont dans
le même cas. Je fais donc « marche commune »
avec un groupe de huit étudiants français. Notre collaboration se
poursuivra au terminal de bus où nous embarquons dans le même
mini-van. Il n'y a d'ailleurs plus de place. Nos sacs sont sur nos
genoux. Encore quatre heures de route. L'invention du goudron ne
semble pas être parvenu jusqu'à cette partie du Chili. Le trajet
sera donc cahoteux et poussiéreux. Mais le parcours est fabuleux sur
un chemin escarpé qui s'accroche au relief bordant le somptueux lac
de Buenos Aires (le deuxième plus grand d'Amérique du
Sud). Les montagnes enneigées
en fond complètent un joli tableau marqué par une belle explosion
de couleurs florales (à dominante jaune et violette).
Fin du parcours à Puerto Rio Tranquilo. Première escale chilienne.
Nous sommes dans la région de Rio Ibanez. Un signe.
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