jeudi 27 juillet 2017

La bête et la mer


Coral, c'est donc son nom. Deux cent quatre vingt mètres de long pour tente mètres de large. Une capacité de contenance de plus de quatre mille containers. Une belle bête. Un monstre.

cargo coral

Nous serons vingt-huit à habiter l'engin. Vingt-cinq membres d'un équipage roumain / sri-lankais et trois passagers. Je partagerai donc mon expérience avec deux autres privilégiés.
Antoine, suisse francophone, bien rodé à la manœuvre qui regagne New York pour une résidence d'artiste dédiée à l'écriture de six mois. Svitlana, ukrainienne, vivant en France depuis dix huit ans, qui abandonne son mari et son fils le temps de vivre cette traversée. A trois, nous allons appréhender un autre rapport à l'espace et au temps.

Mardi
J'ai embarqué en fin de matinée et j'ai donc eu le loisir d'assister toute l'après midi au ballet de chargement et déchargement des containers, un défilé de grues aux déplacements faussement désorganisés , une vraie fourmilière. Autant de bras géants articulés qui viennent déposer ces boites métalliques jusqu'aux entrailles de la bête. Un mammifère de métal au grand appétit, une grosse vingtaine de ligne de containers. Chacune d'une largeur d'une douzaine de boîtes pour une hauteur d'une quinzaine d'unités. De l'extérieur, on ne voit qu'un ensemble de boites multicolores et on s'amuse à essayer d'en deviner le contenu mercantile.

La partie habitable du bateau se résume à un périmètre d'une trentaine de mètres de large sur une vingtaine de mètres de long, le tout réparti sur huit niveaux. On retrouve bien sûr les cabines, cuisines et salles de repas mais également des espaces détentes, une laverie, une salle de sport, une piscine (remplie à l'eau de mer, mais qui est vide pour l'instant)... et au dernier étage la salle de commandement. J'imagine qu'en dessous de cet espace à vivre, se trouve un ensemble de niveaux dédiés aux machineries.

Les repas se prennent à heure fixes, l'occasion pour moi de retrouver mes compagnons de voyages.
A bord on sent la quiétude, chacun vaque à un quotidien bien rodé. Les officiers de navigations opèrent de la salle de commandement, les intendants circulent dans les espaces communs pendant que les mécaniciens plongent au cœur de la bête. Chaque membre d'équipage reste à bord entre quatre et neuf mois, et accompagne ainsi, au gré des ports, ce convoi de containers.

Nous avons finalement quitté Fos-sur-Mer vers minuit. La première nuit a permis de sentir le vaisseau lentement rouler sur l'eau. Je me suis endormi bercé par le ronronnement sourd et régulier du moteur.

Mercredi
Après le déjeuner nous avons été formés aux consignes de sécurité. Nous avons pu longer ensuite le pont sur deux grosses centaines de mètres pour gagner l'avant du bateau. A l'avant le vrombissement du moteur cesse, on ne capte plus que le doux bruissement des vagues. La mer s'offre à nous directement, dans son immensité.


Nous avons également accès à un ensemble de coursives extérieures qui nous permettent de séjourner dehors et d'être au plus prêt de l'expérience. Et notamment de voir ce grand bateau, si majestueux à quai, retrouver un semblant d’humilité une fois perdu au milieu des flots. Le vent nous apporte des senteurs salines qui viennent compléter le tableau. Le sel et la rouille patinent inlassablement le porte containers qui sereinement fend l'eau.

Nous sommes arrivés en vue de Barcelone en fin d'après midi. Nous sommes restés en stationnement dans l'attente de notre tour d’entrée au port. Le temps d'observer la belle cité catalane sous une lumière déclinante. De loin on devinait la colline de Montjuic et la Sagrada Familia se dresser fièrement. Une ville que j'ai déjà gagné une dizaine de fois. En voiture, en train, en bus et même en avion. Et demain matin ce sera en bateau.

soleil couchant voyage en cargo

Jeudi
Vers six heure trente, le bateau se mit en branle, nous allons accoster. Juste le temps de me transporter sur la coursive pour nous voir entrer au port sous les premiers rayons du jour et une fraîcheur toute matinale.

Après avoir laissé passer le rush de l'arrivée (amarrage, paperasse de douane...), on nous a confectionné des badges pour pouvoir passer le poste de sécurité et rejoindre le centre ville tout proche. L'occasion pour moi de flâner une fois de plus le long des Ramblas, du marché de la Boqueria, de la Plaza Real, du quartier gothique, de Barceloneta.... En longeant la plage et en apercevant les cargos sur la ligne d'horizon, je me suis dit que bien  que proche physiquement de chez moi, j'en suis déjà finalement loin.

barcelone plage voyage en cargo


article suivant: Escapade ibérique
article précédent: Lost in translation

4 commentaires:

  1. Mme Gomard serait fière de ta prose mon Banez. Profite un maximum, on n'a qu'une seule vie.
    Bise
    Benoit Davezac

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci.
      Je crois qu'elle est toujours dans sa caverne avec Platon.

      Supprimer
  2. Salut Lionel,
    Il est super ce journal. C'est très écrit, et donc très facile à lire.
    New York t'attend. Tu trouveras peut être en chemin un petit bateau en papier que j'ai mis à l'eau en direction de NYC. Dis moi si tu le vois.
    Take Care

    ERO

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas de bateau pour l'instant. mais je suis sur qu'il ne saurait tarder.
      Encore une fois, bon vent à toi également pour ta nouvelle aventure.

      Supprimer