Nous serons vingt-huit à
habiter l'engin. Vingt-cinq membres d'un équipage roumain /
sri-lankais et trois passagers. Je partagerai donc mon expérience
avec deux autres privilégiés.
Antoine, suisse
francophone, bien rodé à la manœuvre qui regagne New York pour une
résidence d'artiste dédiée à l'écriture de six mois. Svitlana,
ukrainienne, vivant en France depuis dix huit ans, qui abandonne son
mari et son fils le temps de vivre cette traversée. A trois, nous
allons appréhender un autre rapport à l'espace et au temps.
Mardi
J'ai embarqué en fin de
matinée et j'ai donc eu le loisir d'assister toute l'après midi au
ballet de chargement et déchargement des containers, un défilé de
grues aux déplacements faussement désorganisés , une vraie
fourmilière. Autant de bras géants articulés qui viennent déposer
ces boites métalliques jusqu'aux entrailles de la bête. Un
mammifère de métal au grand appétit, une grosse vingtaine de ligne
de containers. Chacune d'une largeur d'une douzaine de boîtes pour
une hauteur d'une quinzaine d'unités. De l'extérieur, on ne voit
qu'un ensemble de boites multicolores et on s'amuse à essayer d'en
deviner le contenu mercantile.
La partie habitable du
bateau se résume à un périmètre d'une trentaine de mètres de
large sur une vingtaine de mètres de long, le tout réparti sur huit
niveaux. On retrouve bien sûr les cabines, cuisines et salles de
repas mais également des espaces détentes, une laverie, une salle
de sport, une piscine (remplie à l'eau de mer, mais qui est vide
pour l'instant)... et au dernier étage la salle de commandement.
J'imagine qu'en dessous de cet espace à vivre, se trouve un ensemble
de niveaux dédiés aux machineries.
Les repas se prennent à
heure fixes, l'occasion pour moi de retrouver mes compagnons de
voyages.
A bord on sent la
quiétude, chacun vaque à un quotidien bien rodé. Les officiers de
navigations opèrent de la salle de commandement, les intendants
circulent dans les espaces communs pendant que les mécaniciens
plongent au cœur de la bête. Chaque membre d'équipage reste à
bord entre quatre et neuf mois, et accompagne ainsi, au gré des
ports, ce convoi de containers.
Nous avons finalement
quitté Fos-sur-Mer vers minuit. La première nuit a permis de sentir
le vaisseau lentement rouler sur l'eau. Je me suis endormi bercé par
le ronronnement sourd et régulier du moteur.
Mercredi
Après le déjeuner nous
avons été formés aux consignes de sécurité. Nous avons pu longer
ensuite le pont sur deux grosses centaines de mètres pour gagner
l'avant du bateau. A l'avant le vrombissement du moteur cesse, on ne
capte plus que le doux bruissement des vagues. La mer s'offre à nous
directement, dans son immensité.
Nous avons également
accès à un ensemble de coursives extérieures qui nous permettent
de séjourner dehors et d'être au plus prêt de l'expérience. Et
notamment de voir ce grand bateau, si majestueux à quai, retrouver
un semblant d’humilité une fois perdu au milieu des flots. Le vent
nous apporte des senteurs salines qui viennent compléter le tableau.
Le sel et la rouille patinent inlassablement le porte containers qui
sereinement fend l'eau.
Nous sommes arrivés en
vue de Barcelone en fin d'après midi. Nous sommes restés en
stationnement dans l'attente de notre tour d’entrée au port. Le
temps d'observer la belle cité catalane sous une lumière
déclinante. De loin on devinait la colline de Montjuic et la Sagrada
Familia se dresser fièrement. Une ville que j'ai déjà gagné
une dizaine de fois. En voiture, en train, en bus et même en avion.
Et demain matin ce sera en bateau.
Jeudi
Vers six heure trente, le
bateau se mit en branle, nous allons accoster. Juste le temps de me
transporter sur la coursive pour nous voir entrer au port sous les
premiers rayons du jour et une fraîcheur toute matinale.
Après avoir laissé
passer le rush de l'arrivée (amarrage, paperasse de douane...), on
nous a confectionné des badges pour pouvoir passer le poste de
sécurité et rejoindre le centre ville tout proche. L'occasion pour
moi de flâner une fois de plus le long des Ramblas, du marché de la
Boqueria, de la Plaza Real, du quartier gothique, de Barceloneta.... En longeant la plage et en apercevant les cargos sur la ligne d'horizon, je me suis dit que bien que
proche physiquement de chez moi, j'en suis déjà finalement loin.
Mme Gomard serait fière de ta prose mon Banez. Profite un maximum, on n'a qu'une seule vie.
RépondreSupprimerBise
Benoit Davezac
Merci.
SupprimerJe crois qu'elle est toujours dans sa caverne avec Platon.
Salut Lionel,
RépondreSupprimerIl est super ce journal. C'est très écrit, et donc très facile à lire.
New York t'attend. Tu trouveras peut être en chemin un petit bateau en papier que j'ai mis à l'eau en direction de NYC. Dis moi si tu le vois.
Take Care
ERO
Pas de bateau pour l'instant. mais je suis sur qu'il ne saurait tarder.
SupprimerEncore une fois, bon vent à toi également pour ta nouvelle aventure.