Il est temps de prendre
la route pour Jasper et de commencer le retour de ma boucle. A
l'aller j'avais emprunté la transcanadienne, l'autoroute qui
traverse le pays d'est en ouest. Au nord de celle-ci le trafic est
moins dense. Je fais la route parmi quelques pick-ups et camions
transportant des troncs d'arbres. La route longe la voie ferrée.
Ainsi, parfois, j'accompagne un train de marchandise chargé de ses
containers (les mêmes que j'ai eu sous les yeux pendant quinze
jours). Les wagons défilent, le
train semble infini. Il file entre les sapins tel un serpent
multicolore.
Jasper ressemble à s'en
méprendre à sa voisine du sud, Banff. Même noyau villageois de
chalets en pierre et bois regroupés autour d'une charmant centre
commerçant, et les montagnes qui bordent l'ensemble. La canyon
Maligne, les lacs Annette, Edith et Patricia, la rivière Muette. A
proximité on trouve de très jolies endroits. Avec l'expérience, je
sais dans quel sens et à quelle heure prendre les chemins pour
profiter égoïstement de cette nature. Où que l'on marche, on se
trouve toujours à proximité d'un ruisseau ou d'une rivière. Le
glissement de l'eau apaise les oreilles, et lentement polit les
galets et l'esprit.
L'avantage quand on a une
grosse voiture c'est qu'on peut prendre des auto-stoppeurs. J'ai
ainsi conduis deux tchèques (une frère et une sœur)
au point de départ de leur randonnée de deux jours. L'occasion
d'évoquer mes voyages antérieurs dans leurs pays et d'échanger
notamment sur Žižkov (quartier populaire de Prague)
et Blansko. A leur demande, je leur expliquais également que nous ne
parlions pas le même français que les québecois. Ou que du moins
nous n'avions pas exactement les mêmes expressions ni le même
accent. Après avoir récupéré quelques tuyaux sur Vancouver, je
les ai laissés, chargés comme des mules au pied de leur périple.
Mes excursions, elles, sont plus proches des promenades du dimanche.
Jasper aura été moins avare en présence animale que mes autres
points de chutes. Outre, les dynamiques et peu farouches écureuils,
j'ai eu la chance de croiser un wapiti, quelques biches et une mère
élan prenant un bain avec sa progéniture. Seul l'ours ne semble pas
vouloir daigner sortir de sa tanière.
Sur
mon circuit, j'ai gardé le meilleur pour la fin : la route des
glaciers qui relie Jasper à Banff. Trois cent bornes en pleine
nature à se faufiler entre les cimes canadiennes. Loin des lieux
habités, l'eau ruisselle des glaciers. Les débits prennent de
l'envergure. L'eau vire au blanc tumultueux. Ces cascades et rapides
cours d'eau irriguent cette terre sauvage et pure. C'en est la vie.
Au détour d'une cascade je suis tombé sur un texte anonyme qui
résume bien l'idée. « LE BRUIT ET L'ECUME. Ici
s'affrontent, dans le bruit et l'écume, les violentes eaux
rugissantes et la terre tremblante. Les échos assourdissants de
cette bataille sans fin étourdissent nos sens. »
A mi
chemin, je me suis approché d'une des origines de ce tumulte :
la fonte du glacier Althabasca. Ici, en hauteur, l'eau ruisselle
gentiment. Mais plus bas, le filet d'eau devient torrent. Et enfin,
de l'autre côté du versant, l'eau se fige à nouveau en une
multitudes de lacs aux couleurs somptueuses.
J'ai
conclus ma journée par les deux lacs présentés comme les plus
emblématiques des rocheuses canadiennes : le lac Louise et le
lac Moraine. Qui dit renommée dit foule. La route menant à ces deux
joyaux prend parfois des allures d’arrivée d'une étape de
montagne d'une course cycliste avec les voitures rangées sur les bas
cotés (il y a d'ailleurs quelques courageux qui tentent de
rallier les lacs à coup de pédales). Ma préférence se porte
sur le lac Moraine et la belle profonde couleur de son bleu au pieds
des montagnes enneigées. Le lac Louise n'en demeure pas moins
somptueux. Je rajouterais le lac Emerald, que j'ai fait à l'aller,
pour former un joli trio assez complémentaire.
Aujourd'hui,
journée de transition vers ma seconde partie canadienne :
Vancouver et sa région. Je retourne à Calgary pour rendre le tank
tout en pensant qu'en fin de journée je ferais le chemin inverse en
bus. Oui, je vais dérouler le petit millier de bornes en bus. Et de
nuit. Douze heures (onze en comptant ma neuvième heure offerte de
décalage horaire). Cela me rappellera aux bons souvenirs de mes
trajets au Pérou, en Bolivie et en Turquie (avec serveur en nœud
papillon à bord) ainsi qu'à ma jeunesse à sillonner les stades
de foot. Tout cela me laisse l'après midi à Calgary que je vais
finalement pouvoir parcourir. Au cœur des buildings, une large rue
piétonne dessert quelques commerces, bars et restaurants et s'achève
sur un énorme centre commercial. Pas de grand monument pour cause
d'histoire trop récente. La ville plantée au milieu du Canada par
excellence. Rien d'extravagant au final.
Nous
prenons la route en début de soirée. Les sommets enneigées se
confondent avec les nuages, puis au crépuscule lentement les
montagnes fusionnent avec le ciel. Et à mon tour je bascule dans le
sommeil.
Après cette semaine
new-yorkaise, retour au New Jersey pour passer du port à l'aéroport.
Je réalise que c'est le premier vol de mon périple. Toujours
étrange de se dire qu'on est arrivé jusqu'ici qu'au contact de la
terre et de l'eau. A présent direction le Canada et Calgary via une
escale à Ottawa, la capitale du pays, à mi chemin entre Montréal
et Toronto. Niveau de la langue c'est pareil, tout le monde maîtrise
un parfait franglais. L'accueil qui m'a été fait, du débarquement
jusqu'aux douanes en passant par l'immigration, était juste parfait.
On se sent de suite à l'aise et le bienvenu. J'arrive finalement à
Calgary en fin de journée après mon second vol et en ayant gagné
deux heures de plus en décalage horaire.
Dans le bus menant de
l'aéroport au centre, je découvre une ville assez étendue et
pavillonnaire. Au loin on voit se dessiner les buildings du centre
ville. Difficile de se faire une idée sur le niveau d'animation de
l'ensemble. Je n'aurais pas le temps de juger. Je loge dans le campus
universitaire que je rejoins en un coup de métro aérien. Une belle
et grande université composée d'ensembles de bâtiments éparpillés
dans un grand parc, l'image qu'on pourrait se faire d'une université
au Canada. Mais je ne compte pas me sédentariser.
Le lendemain je récupère
ma voiture (modèle XXL) au centre-ville puis mon matos de camping en
cours de route. Paré pour une huitaine de jours de road trip à
travers les rocheuses canadiennes. Premier constat, la taille de ma
voiture est dans la norme (à faire passer une clio pour une
voiture sans permis). Pour autant la vitesse est limité à
100km/h sur autoroute, 60km/h dans les parcs et 30km/h en ville. Ça
tombe bien je ne suis pas pressé, je peux profiter du paysage qui
s'offre à moi tout en me familiarisant avec la boite automatique et
la caméra de recul (des trucs de feignant). Je connecte mon
téléphone à la voiture, au programme la plus belle des bandes
sonores pour ce voyage.
Des forêts, des lacs,
des montagnes. Vert, bleu, gris. La nature canadienne se décline en
une majestueuse monotonie. Par Calgary, Banff est la porte d'entrée
des rocheuses. De l'autoroute, on ne voit pas le village, il est noyé
dans la végétation. Une forêt habitée en somme. Propre et bien
achalandé, Banff est un aimable assemblage de chalets en bois et
pierres, le tout à l'ombre d'immenses pins et sapins. Un axe
commerçant au centre, des rues pavillonnaires en suivant et un vaste
camping sur les hauteurs. Le camp de base idéal pour profiter des
innombrables activités et ballades disponibles.
Je suis au camping donc.
Jusque là l'expérience se résumait pour moi à des vacances en
bord de plage dans un enchevêtrement de tentes habitées par des
hordes de gens bruyants le tout agrémenté d'animations bas de
gamme. Le camping à la Franck Dubosc. C'est également des épisodes
dans des festivals musicaux : du bruit, de la pluie, de la boue,
de la bière et pas beaucoup de sommeil. Une sorte de concours
d'endurance. Mais là, on est entré dans une autre dimension. Au
Canada, camper est un sport national. Les tentes sont gigantesques
(la « 3 secondes » de Décathlon n'a pas droit de
citer). Des assemblages minutieux de cordes, auvents, hamacs. Des
fauteuils de compétitions. Des glacières à faire saliver Marcelo
Bielsa. Du coup, j’essaie de faire bonne figure avec mon réchaud
portatif face à l'armada de barbecues sur pattes.
Parc naturel oblige et
cohabitation avec les ours et autre faune sauvage, les règles de vie
sont strictes : pas de nourriture entreposée en dehors des
voitures, tous les déchets immédiatement jetées dans des
containers hermétiques. Le camping a beau être grand (mille
emplacement environ) je suis en lisière. Après mon emplacement,
c'est la vie sauvage. Heureusement, pour l'instant, les
manifestations animales se résument à des courses d'écureuils
entre les tentes. La journée on tourne autour des 20°, mais la
nuit on frôle le 0°, heureusement je suis bien équipé.
Le parc naturel de Banff
est exceptionnel bien que légèrement encombré en ce mois estival.
Les lacs s'enchaînent, rivalisant de beauté. Une vrai déclinaison
de bleus : turquoise, azur, laiteux... et chacun arborant
fièrement sa couronne de sapins. Les canoës glissent sur l'eau sous
le regard des promeneurs qui arpentent les sous-bois. Sur la route
menant au parc de Wells Gray, le paysage est moins sublime, il n'en
demeure pas moins attrayant. Tout d'un coup, un panache de fumée se
dégage de la colline face à moi. Un feu de forêt, je regarde en
spectateur des hélicoptères tenter de le circonscrire en
transvasant des sortes d'énormes seaux. Plus loin j'observe, ce que
les flammes peuvent laisser derrière elles. Je traverse des champs
de sapins calcinés. Ils se dressent, dénudés et noircis, sur des
collines roussies. La journée s'achève par une étape à Revelstoke
dans un camping plus familial, avec un emplacement sympathique en
bord de lac.
Après avoir traversé
Kamloops, porte Ouest des Rocheuses, le parc Wells Gray se rejoint en
quittant l'axe principal et en empruntant une unique route en cul de
sac d'une soixantaine de kilomètres. Moins de monde qu'aux alentours
de Banff. Le site est moins accessible et de nombreux sentiers de randonnée sont fermés suite au risque de feu de forêt. Pourtant, ici aussi, les atouts ne
manquent pas. Ce sont les cascades qui s'imposent. Notamment, celle
de Helmcken : 141 mètres de chute dans un cratère en
demi-lune. Une explosion d'écume dans des falaises coiffées de
sapins. Un véritable joyau dans un écrin.
Au fur et à mesure que
je déroule la route, je commence à habiter mon voyage. On est
encore sur des sentiers battus, mais je commence à prendre mes
marques. La route est longue, mais elle sera belle.
L'agent d'immigration est
monté sur le bateau. Après un interrogatoire en règle il a
tamponné mon passeport et m'a autorisé à poser le pied sur le sol
américain. Au bas de la passerelle, nous attendait un chauffeur qui
devait nous conduire au bureau de l'immigration pour finaliser notre
entrée sur le territoire avec notamment la prise d'empreintes. Et le
moins que l'on puisse dire c'est qu'entre lui et moi, ça ne l'a pas
fait. Assez autoritaire dans sa démarche
(« pose ton bagage ici, toi, le tien là »),
j'ai eu le malheur d'ouvrir la portière sans sa permission. S'en est
suivi une vive séance de remontrances où j'ai vite compris que je
n'étais pas chez moi, et pas nécessairement le bienvenu. Nous
sommes finalement montés à bord de la voiture. L'ambiance était
glaciale, et ce n'était pas lié qu'à la climatisation. Le bureau
d'immigration se trouve à Bayonne, sur un autre terminal portuaire,
celui des croisières (on a pas idée d'arriver à l'étranger sur
un bateau de marchandises). Nous avons donc roulé un bon moment,
longeant des bâtiments industriels désaffectés, dans des rues
défoncées et désertes. Le soleil couchant commençait à nous
fuir. Des images non sans rappeler le cinéma de Scorsese. Ambiance.
Finalement, une fois les formalités faites, nous avons été déposés
dans Manhattan, après un trajet sur un mélange sonore de country et
de musique classique. Mais Manhattan n'était pas ma destination
finale. J'ai décidé de résider dans Brooklyn, et plus précisément
à Bushwick, mais je vais y revenir.
J'ai déjà eu la chance
de passer une semaine à New York il y a une dizaine d'année, et
trois jours plus récemment. J'ai eu plaisir à retrouver certains
endroits. La quiétude de Central Park, où les glandeurs côtoient
les sportifs. Les rues ombragées et animées d'East Village. Le
plaisir de capter et sentir cette énergie. L'architecture improbable
du Flat Iron. J'en ai également profité pour découvrir des lieux
que je ne connaissais pas encore, comme la High Line, ancienne ligne
ferrée aérienne, astucieusement transformée en une belle ballade
verte qui slalome entre les buildings et survole les voitures. J'ai
découvert le One World Trade Center achevé. Au pied du building, on
retrouve le mémorial du 11 Septembre. Au cœur d'un jardin sobre,
les deux anciens emplacements des Twin Towers sont matérialisés.
Pour la mémoire, comme une cicatrice. Ces deux trous béants ont été
aménagés en sortes de piscines sans fond. Sur tout leurs périmètres
coule une cascade qui se vide dans un trou central comme des larmes
intarissables. Le nom des victimes recouvrent tout le pourtour. Un
bel espace de recueillement. Niveau histoire, j'ai également fait un
saut à Ellis Island. La porte d'entrée de l'Amérique de la fin du
19éme siècle jusqu'à la moitié du 20éme siècle. Un beau musée
assez instructif dans les bâtiments d'époques bien conservés.
Parcourir la grande pomme
fait inévitablement cheminer par d'autres lieux emblématiques, mais
qui me touche moins. Moins qu'il y a dix ans en tout cas. Chinatown,
Time Square, l'Empire State Building, le Rockefeller Center... Et
puis en sortant de Central Park, en descendant la 5eme avenue, je
suis passé devant la Trump Tower. La dernière fois, l'homme était
un milliardaire excentrique, aujourd'hui il l'est toujours mais il
est devenu en plus président de la première puissance mondiale et
nous livre actuellement une guerre d'égo avec son équivalent
nord-coréen. Frissons dans le dos. Je regarde les gens se prendre en
photo en masse devant l'objet phallique. Je reprends ma marche un peu
désappointé quand je tombe sur un homme remontant la rue dans
l'autre sens et arborant un t- shirt blanc avec l'inscription « I
Miss Obama » (Obama me manque). Une photo, une poignée
de mains, un rapide échange et je repars. Et c'est maintenant avec
le sourire que je regarde les bus déverser des flux de touristes
asiatiques sur les trottoirs qui aussitôt s'agglutinent sur les
vitrines en face.
Mais finalement, le New
York que je veux vous raconter n'est pas celui de Manhattan. Je veux
vous raconter celui de Brooklyn. Le voisin prolo. Pour parler de
Brooklyn, je pourrais évoquer Dumbo au pieds du Brooklyn Bridge où
on a une vue imprenable sur Manhattan et ses gratte-ciels. Je
pourrais également aller tout au nord à Greenpoint pour décrire la
vie animée et populaire qui s'y déroule et où on croise une petite
communauté polonaise.
Pour parler de Brooklyn,
j'aurais pu évoquer, tout au sud, Coney Island. Une anomalie, un
lieu hors du temps. La plage à une heure de Manhattan. Un cadre
démodé et vieillot mais qui garde son charme. Une longue et large
promenade en bois longe la plage et borde le parc d'attraction de
Luna Park et autres stands à hot dogs et confiseries. Les deux rues
qui traversent le quartier ont des noms dans l'esprit: l'avenue du
Surf et l'avenue des Sirènes. Tout un programme. Palavas les flots,
le kitsch en plus. On y croise également le stade du NY Cosmos,
ancienne équipe glorieuse de soccer (aujourd'hui en ligue
mineure) où a évolué Pelé. Sur le ponton les badauds
regardent des habitués en train de s'exercer à la pêche. Mon
regard lui est dans l'autre direction, sur ces cargos posés à
l'horizon. Instant nostalgie.
Pour parler de Brooklyn,
j'aurais pu décrire Little Odessa, petite enclave russe. Sous le
métro aérien, une rue continuellement ombragée dessert une
multitude de magasins aux enseignes en cyrilliques. Chaque passage de
métro fait un vacarme impossible qui ne semble pourtant pas
perturber la population locale.
Pour parler de Brooklyn,
je pourrais parler de Williamsburg. Quartier branché qui fait face
directement à Manhattan. Avec la pression immobilière, de jeunes
new-yorkais imaginatifs et créatifs s'y sont installés et ont donné
une autre vie à ces anciens entrepôts (lofts, bars,
boutiques...). La visite y est agréable le long de Bedford
Street et Berry Street. Au bord de l'East River, quelques espaces
verts offrent de superbes vues sur les densités de Manhattan. Mais
le soir (en tout cas celui où j'y étais et dans les lieux où
j'étais), la mixité s'estompe, les bières coulent à flot,
mais le charme de l'endroit s'évapore. Indiciblement, le capitalisme
a rattrapé la fougue locale et semble avoir repris ses marques.
Comme si la maladie de Manhattan avait franchi le pont. Mon Brooklyn
est ailleurs.
Non, pour parler de
Brooklyn, j'ai choisi de parler de Bushwick. Le quartier où j'ai
séjourné. J'ai choisi de résider à Bushwick car c'est là que me
paraissait se trouver une partie de l'énergie actuelle de la ville.
L'énergie de ceux qui créent, qui s'approprient de nouveaux
territoires, de nouveaux espaces. Et là également où résident les
new-yorkais du quotidien. Ceux qui travaillent sur Manhattan mais
logent de l'autre côté de l'East River. Dans le prolongement de
Williamsburg donc, Bushwick est un vaste territoire métissé. La
mixité tranche, elle est visible. Au supermarché du coin, chaque
communauté à d'ailleurs son propre rayon avec ses propres produits.
Il y a du riz partout mais jamais le même. Ah, La bouffe! Une
catastrophe! Je vous épargne la description de ce qu'ils appellent
fromage et charcuterie. Heureusement il reste quelques enseignes
« organic » pour me sustenter. Organique en opposition à
transformé, modifié, chimique...
Le quartier est grand,
six stations de la ligne L du métro le desservent. Au nord, autour
des trois premières, on retrouve de nombreux entrepôts et ateliers.
C'est naturellement là qu'on sent l'évolution en cours. On aperçoit
une multitude de tags et graffitis qui recouvrent ces grands
palissades et murs en tôle et briques. Et de ci de là, certains de
ces espaces ont muté. Une population a décidé d'y apporter une
nouvelle énergie, d'en faire un espace de vie, de création et de
détente. En fin de journée, l'atmosphère y est très agréable. Au
détour d'une rue, on voit se détacher l'Empire State Building en
fond. Mais on est déjà loin. Ici, on respire.
Moi, j'habite au sud du
quartier, dans la partie résidentielle. Le long des avenues, on
retrouve les commerces sans charme (laveries, fast food,
coiffeurs, supérettes...)
d'où partent, à angle droit, de longues rues où s'alignent de
nombreuses habitations groupées. Un ou deux étages desservis par un
petit escalier en pierre et un sous sol accessible par une trappe. A
l’arrière de chaque habitation une minuscule cour privative.
Un ensemble de petits blocs dans la plus pure tradition
américaine. Et de temps à autre un petit parc (de l'herbe
clairsemée et des bancs) toujours bondé. L'ensemble n'est pas
propre, loin de là. Mais ce désordre n'est pas dérangeant. Les
rues ne sont pas délabrées, on va dire qu'elles sont usées,
qu'elles ont vécu. Car de la vie, il y en a tout le temps, partout.
Des grosses voitures passent au ralenti, toutes vitres baissées,
volume sonore à fond. Des anciens se regroupent autour d'un banc à
l'ombre d'arbres faméliques. On observe des gens pressés qui ne
laissent sur leur passage qu'une haleine de shit. Des gens qui
prennent leur temps, à pied , à vélo. Des gens bien occupés qui
trimballent tout un attirail. Des dégaines singulières. Des langues
étrangères, de l'espagnol, du chinois, et d'autres que je ne peux
identifier. J'observe ça du fronton de la maison le soir, assis sur
les marches. Je contemple cette Amérique et son quotidien. Tout au
sud, le quartier se termine par une vaste étendue verte. Le
cimetière d'Evergreen. Les tombes se résument à de simples pierres
tombales plantées dans l'herbe. Les patronymes gravés sur le
minéral renvoient bien à la diversité observée chez les vivants.
La ligne de métro
structure ce quartier populaire. Elle est également très
représentative de ses habitants. En fin de journée, on y accompagne
ces travailleurs qui quittent Manhattan et rentrent chez eux. On
observe leurs sacs de commissions estampillés « Trader Joe ».
Vu la qualité des commerces de proximité, je peux comprendre le
choix. Après une dure journée de labeur à servir dans un
restaurant, faire l'entretien d'un immeuble de bureau ou travailler
sur un chantier, les gars de Brooklyn rentrent chez eux avec leur
stocks de « noisettes » comme des écureuils, alors que
sur Manhattan il reste certains touristes qui ne consomment que ce
qu'on leur donne, comme des pigeons. La comparaison peut être
prétentieuse et quelque peut sévère, mais en observant dans
Madison Square Park un écureuil manœuvrer une flopée de pigeons
comme un chien de berger avec des moutons elle s'est imposée
naturellement à moi.
Une journée et une nuit,
c'est le temps qu'il nous a fallu pour rejoindre le détroit de
Gibraltar depuis Valence. Alors que l'aube se dessinait à l'arrière
du bateau, à l'avant se sont les côtes africaines qui rejoignaient
leurs voisines européennes. Un ensemble disparate d'autres
embarcations complétait le tableau. On devinait la croûte andalouse
au travers d'une brume cotonneuse comme si la terre était déjà
devenue un fantôme. Du lever de soleil au franchissement complet de
ces limites terrestres, il s'est écoulé une petite paire d'heures.
Lentement, la ligne d'horizon est passée du gris au mauve puis à
l'orange. La sphère solaire s'est ensuite rapidement dressée dans
le ciel et, tel un projecteur, a mis en lumière les limites
physiques de la méditerranée. A gauche, l'enclave espagnole de
Ceuta, et de l'autre coté à dix ou peut être vingt kilomètres le
rocher de Gibraltar. La porte d'entrée de l'Atlantique. Le vrai
commencement du périple. Le début d'une grosse semaine à
accompagner ces milliers de containers le long des flots.
A bord du Coral,
insidieusement, naît une routine.
Au lever, la journée
commence par une petite excursion en coursive pour observer les
couleurs matinales se refléter sur l'eau et laisser un vent frais
éveiller les sens. Le soleil est encore doux, sa lumière caresse le
visage sans encore le brûler. Le petit déjeuner se prend entre 7h30
et 8h30 dans la salle de restauration du premier niveau. Celle des
officiers roumains. L'équipage sri-lankais mange dans un autre salle
de l'autre côté du couloir. Les gens vont et viennent à leur
rythme, comme dans la salle de petit déjeuner d'un hôtel. Les
officiers roumains déjeunent à leur propre table rectangulaire de
six places, prés des hublots. Nous trois restons à une petite table
ronde au cœur de la pièce. On ne se mélange pas. Chaque entrée et
sortie de la salle est ponctuée d'une salutation et de quelques mots
dans un langage franco-roumano-anglais. Et, bizarrement, cette salle
à manger est l'endroit avec le plus d'animation sur le bateau. En
dehors de celle-ci, peu d'échange. Il est vrai qu'on ne croise pas
grand monde dans les étages en journée. Le travail est ailleurs.
Sauf pour Nissanka, notre intendant, qui s'affaire à la bonne tenue
de l'ensemble. Il assure aussi le service à table durant les repas
(le déjeuner entre 12h et 13h puis le dîner entre 18h et 19h). La
nourriture est de qualité, le rôle du chef de cuisine à bord d'un
bateau est primordial pour le moral de ces ouvriers de la mer. Ces
temps de restauration structurent nos journées et nous offrent un
temps et un espace d'échange. Le reste du temps chacun vaque à ses
envies, à son rythme, au gré des humeurs. Cela peut être un temps
en cabine pour répondre à l'appel d'une sieste ou bien sur la
coursive à fixer l'horizon et s'abandonner à ses pensées. Ou bien
cela peut être encore à lire ou rêvasser sur un transat, à
l'ombre ou au soleil. On peut également faire un saut au dernier
niveau, pour se faire tout petit sur la passerelle de commandement et
voir les officiers à la manœuvre. On pourrait également séjourner
dans le salon commun, mais la vidéothèque et sa ribambelle de films
d'actions ne me tentent pas. Pas plus que la salle de sport et sa
table de ping pong. L'océan me suffit.
Mais pour l'équipage, le
quotidien est autre. Après avoir orchestré les divers chargements
et déchargements méditerranéens (Algésiras, La Valette, Livourne,
Gênes, Fos-sur-Mer, Barcelone, Valence), ils est temps pour les
marins sri-lankais de consacrer du temps à panser la bête. A
longueur de journées, vêtus de combinaisons et de casques, ils
œuvrent à chasser le sel et la rouille de la surface du bateau. Une
tâche infinie, tel Sisyphe poussant son rocher. L'organisation
générale est militaire. Chacun a son grade et ses missions
attribuées en conséquences. Les cabines sont reparties dans l'ordre
hiérarchique dans les différents étages, le capitaine est au
niveau F, nous au niveau E, et ça descend jusqu'au niveau B. Mêmes
les places à tables sont ainsi distribuées, le capitaine et son
second sont en bout de table, contre le hublot. Des affichages et des
consignes partout, pour tout. La rigueur. Pas d'alcool à bord.
Petite exception pour nous, où de temps à autre une bouteille de
vin nous est proposée à table. Dans toute cette organisation
millimétrée, nous sommes les électrons libres.
Voilà trois jours que
nous avons quitté l'Europe et aucune trace de toute autre
embarcation à la ronde. Nous sommes définitivement seuls. Quand
soudain, un relief se détache de l'horizon. Les Açores viennent
rompre la monotonie du panorama. Deux îles s'offrent à notre vue,
une de chaque côté du bateau. Nous sommes en milieu d'après midi,
le temps est dégagé. Nous regardons cette longue croûte terrestre
lentement défiler au loin. Puis le téléphone vibre. Une sensation
qu'on commençait à oublier. Nous voilà sommairement rattaché au
réseau portugais. On raccroche un instant à Internet, à la
brutalité du présent, submergé sous le flux d'information. Mais
bien vite, on largue cette amarre virtuelle pour replonger dans la
quiétude de notre monastère flottant.
Les jours défilent
ainsi, se ressemblant, mais jamais tout à fait les mêmes. On laisse
le temps nous dépasser. On perd progressivement la notion de date.
Nous sommes les vacanciers d'un hôtel marin, notre plage est de fer
et de non de sable, et la mer face à nous n'autorise pas la
baignade. Mais le calme est permanent, le spectacle nous est
exclusif, chaque instant est un moment privilégié. Les journées
s'étalent ainsi lentement où seul le soleil danse de part et
d'autre du bateau. Se levant à la poupe, il frappe dur en journée
pour se coucher finalement à la proue. De temps à autre, le vent se
lève et court sur la coursive, nous obligeant à le fuir de bâbord
à tribord, ou inversement.
Et partout de l'eau, à
ne plus en finir. Le bateau glisse doucement dans son ronronnement
régulier et monocorde. Laissant derrière lui, l’éphémère trace
d'un petit sillon et une légère fumée jaune et odorante. Ce petit
bruit s'impose au silence ambiant. La mer est plate et lisse comme si
le soleil avait apposé une couche de verni. Puis lentement, le vent
s'invite. L'eau se plie, elle fourmille, des remous émergent et
commencent à onduler, le vent fouette le haut des vagues et les fait
exploser en une multitude de bouquets d'écume qui scintillent en
surface et viennent se briser sur la coque. A présent, le bruit de
l'eau est le seul qui parvienne à nos oreilles. Nous accompagnons le
bateau qui tangue et s'incline selon la volonté de la mer. Une fine
pluie salée vient de temps à autre se poser sur les visages.
L'océan et le ciel se répondent ainsi sans cesse dans un étonnant
mimétisme. Quand la voûte est nue, le tapis d'eau est lisse. Mais
quand le ciel se pare de nuages noirs et cotonneux, les eaux
s'agitent et prennent du relief. Il n'y a au final que le bateau qui
reste stoïque et poursuit son chemin, lesté de sa cargaison. On
dirait une énorme tortue de métal qui avance dans un immense désert
marin. Car on ne croise pas grand monde. La vie n'est pas visible. En
ces lieux, les oiseaux ont fui. En revanche, on imagine que sous nos
pieds, entre la surface et le fond, quatre mille mètres plus bas,
une autre activité existe. On imagine une faune sous marine dense,
une foultitude d'espèces colorées aux formes disparates. On imagine
car cet espace nous est interdit. On guette en surface, une
quelconque trace de vie. Les seuls qui s'aventurent hors de l'eau, ce
sont les dauphins. J'ai pu observer plusieurs fois, presque par
surprise, quelques poignées s’éloigner du bateau, sûrement
surpris par l'anomalie de la chose. Plus petits que ce que
j'imaginais, mais bien majestueux dans leur façon de bondir hors de
l'eau et de suivre les vagues.
Ainsi passe le temps à
bord du Coral. Le présent devient envahissant, il absorbe toute
espérance de futur et toute trace de passé. Le temps s'arrête. Il
recule même. Puisque nous retardons nos montres régulièrement
d'une heure à mesure que nous traversons les fuseaux horaires. Plus
rien à penser, à organiser, à anticiper. Plus de problèmes à
résoudre. Rien. Nos pensées se libèrent. Elles se perdent dans
l'horizon, et nous perdent nous même. On finit par s'oublier. On
s'abandonne. On contemple. Le cœur léger et l'humeur vagabonde, on
se prend à penser à toutes les embarcations qui ont emprunté la
même route par le passé. A ces émigrés irlandais, polonais ou
autre qui ont fui à contre cœur leur chez eux en quête d'une
nouvelle vie, le cœur empli d'espoir. On songe, avant eux, à ces
imposants vaisseaux de bois qui, les cales pleines de marchandises
exotiques, portaient, toutes voiles dehors, le goût de la conquête
et ont les premiers tracé ces routes. On essaie de ressentir l'état
d'esprit de ces passagers d'antan. Leurs rêves et leurs peurs.
Aujourd'hui on bascule d'un continent à l'autre en un coup de
réacteur. Décider de faire la traversée à fleur d'eau, d'en
accepter la longueur, c'est quelque part vouloir accéder à une part
de cet imaginaire. S'imprégner lentement de cet ailleurs, laisser
l'idée germer dans nos pensées. Prendre la (dé)mesure des choses.
Nous voilà à mi-chemin,
à mi-océan j'ai envie de dire. On nous a proposé en début d'après
midi de descendre dans les entrailles du monstre marin. Dans les
pièces à vivre et sur les coursives, le bruit de moteur est un fond
sonore auquel on s'est habitué. Mais au cœur des machines, le bruit
devient assourdissant. C'est donc munis de bouchons d'oreilles que
nous avons pu déambuler dans le cœur du bateau, guidés par le chef
ingénieur. Le moteur est imposant, il pourrait remplir un gymnase.
Tout un dédale d'escaliers et de coursives permet d'en faire le
tour, et d'accéder aux divers compresseurs, refroidisseurs,
diffuseurs, convecteurs, et autres truc-en-eurs. D'une pièce à
l'autre, d'un niveau à l'autre, la température et le volume sonore
fluctuent grandement. Un coup on traverse un flux d'air chaud
expulsé, à un autre moment on longe un passage étroit et fumant.
On ressent pleinement l'énergie dégagée. On sent même fortement
l’odeur de fioul qui imprègne l'ensemble. Chaque jour, à son
rythme de croisière, un peu moins de vingt nœuds, le moteur absorbe
près de cent tonnes de carburant. Sur la plateforme, en observant de
haut cet ensemble fumant garni de moniteurs désuets et en regardant
les ouvriers sri-lankais œuvrer tout autour de diverses machines
rouillées, on se croirait dans une base soviétique d'un James
Bond.
Nous avons finis la journée dans la salle de commandement,
pour le coucher de soleil. L'officier sri-lankais nous a gentiment
présenté l'ensemble des outils de commandes, les différents écrans
et l'ensemble de ses tâches. Il nous a même sorti précieusement,
d'une boîte en bois, un sextant. Cet outil ancestral de navigation
qui permet de s'orienter en fonction du positionnement des astres, à
l'aide d'un assemblage minutieux de loupes. Malgré toutes les
technologies dont sont bardées les embarcations actuelles, naviguer
reste un acte presque mystique. Une fois la nuit tombée, un dernier
tour en coursive nous a permis d'admirer la lune, presque pleine, se
détacher du ciel et des quelques nuages éparses. Sa lumière
renvoyait un trait argenté qui se reflétait sur une partie de
l'océan déjà teinté au noir.
Lentement, on sent que le
but approche. On se projette déjà. On redécouvre l'impatience. Le
quotidien codifiée et millimétrée du bateau et de ses habitants
commence gentiment à lasser. Aucune place à l'improvisation. On
regarde un équipage pas malheureux, mais qu'on sent blasé par cette
vie en mer. A les observer, c'est comme s'ils avaient renoncé à
toute part de créativité et d'imaginaire. Cela donne l'impression
d'être dans le film, où chaque matin, le héros revit la même
journée. Pour nous, ça s'en approche, les repas se suivent et se
ressemblent, dans leur contenu et leur déroulement. On observe
Nissanka servir et desservir les assiettes avec toujours la même
mécanique et son petit dodelinement de la tête. Le lave linge
toujours lancé à la même heure, après le petit déjeuner. Les
changements d'heure à venir, annoncées par haut parleur, toujours à
la même heure, 18h, et avec le même énoncé dans un anglais
approximatif. Les officiers roumains qui s'autorisent un film dans le
salon, après le repas du soir, toujours le même rituel. Même le
soleil se couche au même endroit. Ce soir, nous avons traînassé à
table, en finissant notre bouteille de vin. L'occasion de fuir
légèrement ce rythme quelque peu oppressant. Nissanka nous a
aimablement apporté un autre fond de bouteille. Et nous avons finis
par déboucher, sur la coursive, une bouteille qu'Antoine avait
judicieusement achetée avant d'embarquer. Nous avons siroté le
raisin fermenté en regardant la nuit couvrir l'océan et en
échangeant nos souvenirs et envies de voyages.
Et finalement, Dimanche,
nous avons pris nos derniers repas. Bifteck-frites à midi et
spaghettis le soir. Exactement comme le dimanche précédent. Ah, la
routine! Une dernière nuit à bord et nous pourrons apprécier une
arrivée sur New York au petit matin. Mais tout d'un coup, le bateau
ne bougeât plus. Je le sentis de suite. Nous étions à l'arrêt. Je
sortis sur la coursive pour constater la chose. Une sensation
étrange. Après une dizaine de jours à regarder la mer et «tanguer»
avec elle, cela fait bizarre de voir l'eau se mouvoir et de rester
fixe à la regarder, tel un poids mort. On ne la sentait plus vibrer
sous nos pieds, notre danse commune avait pris fin. Pour une raison
qui m'était alors inconnu nous étions complètement immobile, à
moins de trois cent kilomètres du but. Il est huit heures, le soleil
vient de se coucher, et la lune commence à prendre des couleurs.
Dans la pâle lueur du soir, nous sommes dépassés par un
«homologue» chinois, lui aussi la hotte bien chargée. Le capitaine
s'affaire sur la passerelle, pas visiblement très inquiet, mais
quelque chose ne va pas. Le navire reprit sa route dans la nuit, je
ne le sentis pas, je dormais. Notre arrivée est prévue en début de
matinée. Les oiseaux apparurent en premier. Pas beaucoup, juste deux
ou trois, des éclaireurs téméraires. Ils flottaient dans les airs
ce qui donnait de la légèreté à l'instant. Les oiseaux de métal
suivirent. Je scrutais une dernière fois l'horizon en contemplant le
roulis des vagues. Je m'apprête à quitter un vieil ami. Le calme
des eaux faisait écho en moi, j'étais serein. Un amas de cargos
apparut en ligne de mire, et plus loin, enfin, la terre commençait à
se détacher de l'océan. Une esquisse de la ville se dessinait. On
devinait les gratte-ciels au travers de la brume matinale.
Gratte-ciels, ou plutôt cure dents pour l'instant. Puis le bateau
ralentit et s'immobilisa. A nouveau. « Main engine problem »
nous annonça l'officier en chef. Le bateau est figé, et ce sont
maintenant une ribambelle de petits oiseaux qui tournent autour. Ils
ont changé le carburant du bateau, ils ont mis du diesel. Nous avons
fait un tour, littéralement, puis nous sommes revenus au mouillage.
Ça à l'air d'aller. Vu la taille de la bête, je n'ose imaginer
l'allure d'une vidange. Finalement, vers 16h on nous annonce que
notre entrée au port est prévue pour 14h. Le lendemain, donc.
L'officier roumain nous fit comprendre que leurs correspondants
américains au port n'étaient pas du genre conciliants. Cet hôtel
marin commence à prendre des airs de prison flottante. La pluie
tombe drue à présent.
A 14h pile le lendemain,
le bateau s'est ébranlé. A allure d'escargot nous nous sommes
rapprochés de la grosse pomme. En longeant tout d'abord, à
distance respectable, Long beach, Brighton beach puis Conley Island
et son parc d'attraction. Nous sommes passés sous le pont reliant
Brooklyn à Staten Island. Manhattan et sa skyline se sont alors
pleinement offert à nous avec comme témoin la statue de la liberté.
Puis nous avons bifurqués à gauche, vers le New Jersey et son port,
l'entrée des artistes. A 17h le bateau s'immobilisa. Nous sommes à
bon port. De l'autre coté de l'Atlantique. Prêts à de nouvelles aventures.