Il faut compter trois
heures de ferry pour rejoindre la petite ville de Picton sur l'île
du sud. Une fois débarqué, je bifurque immédiatement vers l'ouest
pour me rendre à Motueka, dans la région de Nelson. L'endroit le
« plus ensoleillé »
de Nouvelle Zélande. Ainsi, naturellement, les trois heures de
trajet vont se faire sous des trombes d'eaux. Ce soir je change des
auberges de jeunesse, j'ai trouvé un airbnb pas trop cher. J'y
arrive en fin d’après-midi, toujours sous la pluie. Je suis
accueilli par Paul, fan de cricket, d'échecs et d'eau de vie.
Inattendu mélange. Niveau mélange, il fait dans l’artisanal. Sa
cuisine est remplie de bouteilles aux liquides colorés portant des
étiquettes des différents fruits utilisés. Un couple de français
en Nouvelle Zélande comme saisonniers résident également ici. Le
mauvais temps leur offre un jour off.
L'occasion d'échanger tous ensemble, en sirotant
les breuvages de Paul. Le lendemain, le soleil a repris ses droits.
Ce qui me permet de tenir mon planning et de m'offrir une petite
randonnée d'une demi journée dans le parc Abel Tasman. Le sentier
longe la côte à travers une forêt relativement dense. L'air est
humide et le sol est détrempé sous les effets des intempéries de
la veille. La promenade reste malgré tout agréable au son des
grillons. Pas mal de petits accès permettent de rejoindre des plages
plus ou moins intimistes. Je ferai ma pause déjeuner sur l'une
d'entre elles. L'occasion de me laisser surprendre par une vague et
de me retrouver avec les pieds trempés. Pas très agréable pour le
chemin retour.
Le
lendemain, je reprend la voiture pour rejoindre la côte ouest en
empruntant un route qui s'aventure entre les montagnes. Histoire de
passer le temps, je véhiculerai un auto-stoppeur local sur une
partie de mon trajet. J'avais déjà fait cela sur l'île du nord.
Cela me permet de constater que l’auto stop est assez courant ici
mais aussi que les néo zélandais sont assez casaniers et
s'aventurent rarement loin de chez eux. J'atteins finalement la côte.
L'océan est vigoureux, les vagues déferlent et roulent bruyamment
sur de longues plages de cailloux ou viennent s'abattre violemment
sur les quelques rochers plantés en mer. Tout cela sous un soleil de
plomb et le regard indifférent de vaches en train de brouter dans
des pâturages verdoyants. Sur la route une attraction touristique
s'offre à moi : les pancakes. Des rochers striés par
l'érosion font face à l'océan. On s'amuse à observer les vagues
jouer avec le minéral, à admirer la force de l'océan s'abattre sur
la roche et à voir l’écume jaillir des profondeurs.
Rapidement,
je me suis habitué à la conduite à gauche. Par contre j'ai
toujours tendance à vouloir monter dans la voiture par le côté
passager. Sur la route au moins deux voitures sur trois sont des
voitures de location. J'imagine que je ne suis donc pas le seul dans
ce cas là. Sur un plan gastronomique, vue les prix locaux, je
délaisse les restaurants pour les supermarchés. Et niveau magasin,
la Nouvelle Zélande c'est pas mal. Quand je fais mes achats dans
l'enseigne New World, j'ai l'impression de m’immerger dans
l'univers du Truman Show. Tout est impeccable. Il y a toujours
quelqu'un pour ré-arranger les rayonnages, pour passer un coup de
balai. Aux caisses, pas d'attente. Une personne pour scanner et
encaisser, une autre pour empaqueter vos achats. Et tout ça avec le
sourire. Globalement, c'est un pays où on se sent à l'aise. Les
gens sont cools et détendus. Pas de stress inutile.
Après
une autre journée à longer la côte, je retraverse le relief pour
rejoindre le cœur du pays. Les jours suivants se feront aux bords
des différents lacs posés aux pieds des montagnes. Je ralentis le
rythme et profite pleinement du cadre. Quitte à avoir deux étés
dans la même année autant en profiter. Petites ballades en forêt.
Baignades dans les lacs avec les canards et les mouettes locales. Les
gros villages posés sur le chemin (Wanaka, Queenstone, Te
Anau...) concentrent pas mal de touristes mais il est assez
facile en prenant un peu d'altitude ou en empruntant un chemin
détourné de se retrouver seul dans cet environnement magnifique. Au
XIXéme siècle, il y avait de l'or dans la région. Ainsi, à
Arrowtown on découvre un vieux village qui semble tout droit sortir
du Far West américain avec ses maisons en bois typique d'époque.
Mais
la réelle attraction du coin se trouve de l'autre côté de ces
montagnes qui font face aux lacs. Là où l'océan s'imbrique avec
les massifs montagneux. Là où naissent les fjords néo-zélandais.
J'opterai pour le plus célèbre, le Milford Sound. Il faut tout de
même compter deux heures de route et cent vingt kilomètres pour
l'atteindre depuis le village le plus proche. La route est
spectaculaire et invite constamment à s'arrêter. On longe le lac Te
Anau, puis on s'engouffre dans la vallée d'Eglinton et son herbe
jaune balayée par le vent qui contraste avec les montagnes
environnantes. A mesure qu'on avance, le temps se couvre et la
température chute. C'est sous une pluie soutenue que j’enchaîne
les premiers lacets me menant à destination. En patientant devant
l'Homer tunnel à sens unique, je fais connaissance avec le célèbre
perroquet local, le kea. On le dit friand des joints caoutchouc des
voitures, mais pour l'heure il a plus l'air d'une star qui pavane
sous le regard amusés des occupants du bus me précédent. De
l'autre côté du tunnel, on découvre l'autre versant de la vallée,
mais le temps n'a pas changé. Le fjord m'apparaît plein fer. Les
images de la Norvège me reviennent de suite en tête. Une rapide
descente en lacets et me voilà garé prés de l'embarcadère. Nous
ne serons qu'une quinzaine à bord pour nos deux heures de croisière
entre ces imposants massifs qui plongent dans l'eau. Parfait. Le ciel
est dense et recouvre les sommets. Une fine pluie balaye
l'embarcation. Ce temps ne me dérange pas, ça rajoute de la magie à
la visite, et comme me le signale le steward, toute cette eau
alimente les ruisseaux des montagnes et accroît leur débit. Ce qui
nous permet donc d'observer d’innombrables et intarissables
cascades. L'eau tombe du ciel et des montagnes. Tout dégouline. Le
bateau semble minuscule au pied de ces immenses masses rocheuses.
Joueur, le capitaine propulse l'embarcation sous une cascade. A
l'abri, dans la cabine, on ne discerne qu'un panache blanchâtre à
travers les hublots mais on sent et on entend la force de l'eau
s'abattre sur nous. Au détour d'un bras de mer on tombe sur une
colonie d'otaries juchée sur un rocher. Les habitants des lieux
doivent être habitués à voir défiler ces drôles de gros poissons
de métal.
Après
avoir surpris une conversation à l'auberge évoquant la présence de
manchots à Curio Bay, je décide de mettre le cap au sud et d'aller
vérifier cela par moi-même. Les kilomètres se déroulent sur de
petites routes traversants une campagne teintée de jaune et de vert
où je croise nombre de moutons. Après les fjords norvégiens me
voilà dans les pâturages d’Écosse. Puis le Pacifique réapparaît
face à moi. Ses vagues vigoureuses continuent de s'abattre sur une
succession de falaises et de plages. J'esquive la grande ville
d'Invercargill et j'arrive à destination. Je m'aventure sur la
longue lande de pierres bordée d'algues. Et si les panneaux autour
confirment la présence sur zone de manchots, aucun de ces derniers
ne s'offre à ma vue. Le cadre n'en demeure pas moins époustouflant.
Je fais chemin inverse pour regagner la voiture garé le long de la
plage. Je jette un œil sur les quelques baigneurs qui semblent
étrangement agglutinés les uns sur les autres. A côté d'eux, je
vois soudain un aileron dépasser de l'eau. Je m'approche. Il n'y a
pas un mais une petite dizaine d'ailerons qui tournent autour des
nageurs. Un banc de dauphins est venu s'amuser à même pas une
dizaine de mètres de la plage. Chacun profite de l'instant. Je
rejoins le groupe de photographes amateurs qui vient de se former à
la hâte. Le temps est suspendu. Les apprentis paparazzis mitraillent
tandis que les baigneurs tentent de communiquer avec les animaux
marins. Puis la danse prend fin, les dauphins rejoignent le large et
échappent à notre regard. Chacun, lentement, quitte les lieux,
ébahis.
Le
lendemain, je passe rapidement à Dunedin, cinquième ville du pays.
Histoire de jeter un œil à la gare centrale et m'aventurer (à
pieds) sur la route la plus pentu du monde (Baldwin street)
avec 35% de dénivelé. De quoi ridiculiser les 27% que j'avais pu
observer sur Lombard Street à San Francisco. Après ce petit tour
urbain, je me remets en chasse de mes manchots et je file sur la
péninsule voisine d'Otago. Après quelques kilomètres sur une route
de crête offrant de magnifiques points de vue de part et d'autre de
cette jolie presqu'île bossue j’atteins de sauvages plages. Peu de
touristes, une petite dizaine. Hélas pas de manchots. En revanche il
y a quelques lions de mers qui font bronzette sur la plage. Il y en a
même un, intrépide, qui s'est approché d'un trio de mamies et les
a dérangé durant leur repas. Elles essaient de le faire fuir en
faisant de grand geste armées de bouteilles en plastiques. Ça a
plus l'air de le divertir qu'autre chose. Je crois que les manchots
ce sera pour une autre fois. Je retenterai ma chance, un autre jour,
en soirée pour essayer de les surprendre à leur retour de pêche.
Pour l'instant je reste sur mes dauphins et mes lions de mer. La
Nouvelle Zélande, au final, c'est comme une boîte de chocolats, on
ne sait jamais sur quoi on va tomber. Encore cinq jours de
dégustation au programme. Demain c'est le Mont Cook, plus haut
sommet de l'île, qui est au menu.
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