samedi 27 janvier 2018

Entre fjords et plages, à la poursuite des manchots


Il faut compter trois heures de ferry pour rejoindre la petite ville de Picton sur l'île du sud. Une fois débarqué, je bifurque immédiatement vers l'ouest pour me rendre à Motueka, dans la région de Nelson. L'endroit le « plus ensoleillé » de Nouvelle Zélande. Ainsi, naturellement, les trois heures de trajet vont se faire sous des trombes d'eaux. Ce soir je change des auberges de jeunesse, j'ai trouvé un airbnb pas trop cher. J'y arrive en fin d’après-midi, toujours sous la pluie. Je suis accueilli par Paul, fan de cricket, d'échecs et d'eau de vie. Inattendu mélange. Niveau mélange, il fait dans l’artisanal. Sa cuisine est remplie de bouteilles aux liquides colorés portant des étiquettes des différents fruits utilisés. Un couple de français en Nouvelle Zélande comme saisonniers résident également ici. Le mauvais temps leur offre un jour off. L'occasion d'échanger tous ensemble, en sirotant les breuvages de Paul. Le lendemain, le soleil a repris ses droits. Ce qui me permet de tenir mon planning et de m'offrir une petite randonnée d'une demi journée dans le parc Abel Tasman. Le sentier longe la côte à travers une forêt relativement dense. L'air est humide et le sol est détrempé sous les effets des intempéries de la veille. La promenade reste malgré tout agréable au son des grillons. Pas mal de petits accès permettent de rejoindre des plages plus ou moins intimistes. Je ferai ma pause déjeuner sur l'une d'entre elles. L'occasion de me laisser surprendre par une vague et de me retrouver avec les pieds trempés. Pas très agréable pour le chemin retour.





Le lendemain, je reprend la voiture pour rejoindre la côte ouest en empruntant un route qui s'aventure entre les montagnes. Histoire de passer le temps, je véhiculerai un auto-stoppeur local sur une partie de mon trajet. J'avais déjà fait cela sur l'île du nord. Cela me permet de constater que l’auto stop est assez courant ici mais aussi que les néo zélandais sont assez casaniers et s'aventurent rarement loin de chez eux. J'atteins finalement la côte. L'océan est vigoureux, les vagues déferlent et roulent bruyamment sur de longues plages de cailloux ou viennent s'abattre violemment sur les quelques rochers plantés en mer. Tout cela sous un soleil de plomb et le regard indifférent de vaches en train de brouter dans des pâturages verdoyants. Sur la route une attraction touristique s'offre à moi : les pancakes. Des rochers striés par l'érosion font face à l'océan. On s'amuse à observer les vagues jouer avec le minéral, à admirer la force de l'océan s'abattre sur la roche et à voir l’écume jaillir des profondeurs.





Rapidement, je me suis habitué à la conduite à gauche. Par contre j'ai toujours tendance à vouloir monter dans la voiture par le côté passager. Sur la route au moins deux voitures sur trois sont des voitures de location. J'imagine que je ne suis donc pas le seul dans ce cas là. Sur un plan gastronomique, vue les prix locaux, je délaisse les restaurants pour les supermarchés. Et niveau magasin, la Nouvelle Zélande c'est pas mal. Quand je fais mes achats dans l'enseigne New World, j'ai l'impression de m’immerger dans l'univers du Truman Show. Tout est impeccable. Il y a toujours quelqu'un pour ré-arranger les rayonnages, pour passer un coup de balai. Aux caisses, pas d'attente. Une personne pour scanner et encaisser, une autre pour empaqueter vos achats. Et tout ça avec le sourire. Globalement, c'est un pays où on se sent à l'aise. Les gens sont cools et détendus. Pas de stress inutile.







Après une autre journée à longer la côte, je retraverse le relief pour rejoindre le cœur du pays. Les jours suivants se feront aux bords des différents lacs posés aux pieds des montagnes. Je ralentis le rythme et profite pleinement du cadre. Quitte à avoir deux étés dans la même année autant en profiter. Petites ballades en forêt. Baignades dans les lacs avec les canards et les mouettes locales. Les gros villages posés sur le chemin (Wanaka, Queenstone, Te Anau...) concentrent pas mal de touristes mais il est assez facile en prenant un peu d'altitude ou en empruntant un chemin détourné de se retrouver seul dans cet environnement magnifique. Au XIXéme siècle, il y avait de l'or dans la région. Ainsi, à Arrowtown on découvre un vieux village qui semble tout droit sortir du Far West américain avec ses maisons en bois typique d'époque.









Mais la réelle attraction du coin se trouve de l'autre côté de ces montagnes qui font face aux lacs. Là où l'océan s'imbrique avec les massifs montagneux. Là où naissent les fjords néo-zélandais. J'opterai pour le plus célèbre, le Milford Sound. Il faut tout de même compter deux heures de route et cent vingt kilomètres pour l'atteindre depuis le village le plus proche. La route est spectaculaire et invite constamment à s'arrêter. On longe le lac Te Anau, puis on s'engouffre dans la vallée d'Eglinton et son herbe jaune balayée par le vent qui contraste avec les montagnes environnantes. A mesure qu'on avance, le temps se couvre et la température chute. C'est sous une pluie soutenue que j’enchaîne les premiers lacets me menant à destination. En patientant devant l'Homer tunnel à sens unique, je fais connaissance avec le célèbre perroquet local, le kea. On le dit friand des joints caoutchouc des voitures, mais pour l'heure il a plus l'air d'une star qui pavane sous le regard amusés des occupants du bus me précédent. De l'autre côté du tunnel, on découvre l'autre versant de la vallée, mais le temps n'a pas changé. Le fjord m'apparaît plein fer. Les images de la Norvège me reviennent de suite en tête. Une rapide descente en lacets et me voilà garé prés de l'embarcadère. Nous ne serons qu'une quinzaine à bord pour nos deux heures de croisière entre ces imposants massifs qui plongent dans l'eau. Parfait. Le ciel est dense et recouvre les sommets. Une fine pluie balaye l'embarcation. Ce temps ne me dérange pas, ça rajoute de la magie à la visite, et comme me le signale le steward, toute cette eau alimente les ruisseaux des montagnes et accroît leur débit. Ce qui nous permet donc d'observer d’innombrables et intarissables cascades. L'eau tombe du ciel et des montagnes. Tout dégouline. Le bateau semble minuscule au pied de ces immenses masses rocheuses. Joueur, le capitaine propulse l'embarcation sous une cascade. A l'abri, dans la cabine, on ne discerne qu'un panache blanchâtre à travers les hublots mais on sent et on entend la force de l'eau s'abattre sur nous. Au détour d'un bras de mer on tombe sur une colonie d'otaries juchée sur un rocher. Les habitants des lieux doivent être habitués à voir défiler ces drôles de gros poissons de métal.







Après avoir surpris une conversation à l'auberge évoquant la présence de manchots à Curio Bay, je décide de mettre le cap au sud et d'aller vérifier cela par moi-même. Les kilomètres se déroulent sur de petites routes traversants une campagne teintée de jaune et de vert où je croise nombre de moutons. Après les fjords norvégiens me voilà dans les pâturages d’Écosse. Puis le Pacifique réapparaît face à moi. Ses vagues vigoureuses continuent de s'abattre sur une succession de falaises et de plages. J'esquive la grande ville d'Invercargill et j'arrive à destination. Je m'aventure sur la longue lande de pierres bordée d'algues. Et si les panneaux autour confirment la présence sur zone de manchots, aucun de ces derniers ne s'offre à ma vue. Le cadre n'en demeure pas moins époustouflant. Je fais chemin inverse pour regagner la voiture garé le long de la plage. Je jette un œil sur les quelques baigneurs qui semblent étrangement agglutinés les uns sur les autres. A côté d'eux, je vois soudain un aileron dépasser de l'eau. Je m'approche. Il n'y a pas un mais une petite dizaine d'ailerons qui tournent autour des nageurs. Un banc de dauphins est venu s'amuser à même pas une dizaine de mètres de la plage. Chacun profite de l'instant. Je rejoins le groupe de photographes amateurs qui vient de se former à la hâte. Le temps est suspendu. Les apprentis paparazzis mitraillent tandis que les baigneurs tentent de communiquer avec les animaux marins. Puis la danse prend fin, les dauphins rejoignent le large et échappent à notre regard. Chacun, lentement, quitte les lieux, ébahis.




 
Le lendemain, je passe rapidement à Dunedin, cinquième ville du pays. Histoire de jeter un œil à la gare centrale et m'aventurer (à pieds) sur la route la plus pentu du monde (Baldwin street) avec 35% de dénivelé. De quoi ridiculiser les 27% que j'avais pu observer sur Lombard Street à San Francisco. Après ce petit tour urbain, je me remets en chasse de mes manchots et je file sur la péninsule voisine d'Otago. Après quelques kilomètres sur une route de crête offrant de magnifiques points de vue de part et d'autre de cette jolie presqu'île bossue j’atteins de sauvages plages. Peu de touristes, une petite dizaine. Hélas pas de manchots. En revanche il y a quelques lions de mers qui font bronzette sur la plage. Il y en a même un, intrépide, qui s'est approché d'un trio de mamies et les a dérangé durant leur repas. Elles essaient de le faire fuir en faisant de grand geste armées de bouteilles en plastiques. Ça a plus l'air de le divertir qu'autre chose. Je crois que les manchots ce sera pour une autre fois. Je retenterai ma chance, un autre jour, en soirée pour essayer de les surprendre à leur retour de pêche. Pour l'instant je reste sur mes dauphins et mes lions de mer. La Nouvelle Zélande, au final, c'est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Encore cinq jours de dégustation au programme. Demain c'est le Mont Cook, plus haut sommet de l'île, qui est au menu.










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mardi 16 janvier 2018

L'ïle aux volcans assoupis

Le 7 Janvier marque mon dernier jour en Amérique latine. En fin de journée, je prend un vol me menant de Santiago à Buenos Aires. Courte escale et je suis paré à traverser le Pacifique et rejoindre Auckland à 13h de là. La magie du voyage en arrière va cependant me faire basculer directement au 9 Janvier. Je passe de 4h de retard avec la France à 12h d'avance. Autant dire que quand je débarque en Nouvelle Zélande vers les 6h locales je ne sais plus très bien où je suis. Je récupère ma voiture de location et dois rapidement m'adapter à la conduite à gauche.

Je vais me poser durant mes deux premiers jours dans la plus grande ville néo zélandaise, histoire de bien digérer le voyage. Auckland me fait un peu penser à Vancouver. Tranquille, prospère, pas trop grande et proche de la nature. A l'auberge je rencontre Teddy, un albigeois déjà là depuis deux mois. C'est sa trousse de toilettes à l’effigie du stade toulousain qui a trahi ses origines. Difficile de faire plus à l'opposé de nos villes d'origines comme situation géographique actuelle et pourtant... Pour me mettre dans l'ambiance de mes trois prochaines semaines, je démarre par une visite de l'Auckland Muséum. Pas mal d'informations et de documents sur la culture maoris et sur l'implication de la Nouvelle Zélande dans les guerres mondiales, mais ce qui m'a le plus marqué c'est la salle consacrée à l'histoire géologique de l'île. Comme ses consœurs du Japon, de l'Islande ou de l'Indonésie, la Nouvelle Zélande est une émergence terrestre liée à la subduction de deux plaques tectoniques. Ce qui est remarquable c'est que le phénomène diffère entre l'île du Nord et l'île du Sud. Au nord, la plaque océanique prend le dessus, et le magma libéré s'est matérialisé par une forte activité volcanique. Au sud, c'est l'inverse et on retrouve un relief montagneux plus classique. L'après midi, mise en pratique, je gravis le petit mont Eden aux abords de la ville. Du haut de ce volcan endormie, sur la crête de son cratère enherbé, on profite d'une vue panoramique sur la ville et son port.





Après cette mise en bouche, il est temps de rentrer dans le vif du sujet. Ma première journée en voiture sera marquée par l'exploration de la péninsule de Coromandel à l'est. Je longe le Pacifique puis traverse ce relief volcanique verdoyant mais tourmenté en glissant sur de longs toboggans d'asphalte. Je m'autorise une petite halte pour découvrir la jolie plage de sable blanc de Ha Hei. L'attraction touristique du secteur est à trois quart d'heure de marche de là : Cathedral Cove, une impressionnante arche naturelle posée sur la plage. Nous sommes en pleine saison, en milieu d’après-midi, la plage est bondée, ce qui enlève certainement du charme à mon expérience.





L'étape suivante sera Rotoroua, ville au cœur de l'île, posée au bord d'un lac portant son nom. La zone est réputée pour son activité géothermique. L'odeur de souffre qui traîne en ville en atteste. Ayant déjà eu un aperçu en Islande et au Yellowstone, je ferai toutefois l'impasse cette fois-ci. Je privilégierai une ballade dans la forêt voisine. L'occasion pour moi de faire l'expérience de comment le temps peut changer rapidement en Nouvelle Zélande. Cette petite balade va se transformer en douche tropicale. On passe de la petite marche digestive au footing humide. Mais j'avais surtout mis Rotoroua sur mon trajet pour découvrir un peu plus la culture maori. Il y a pas mal de villages dans la zone. C'est certainement un poil touristique et un peu cher pour ce que c'est mais ça reste une bonne option pour s'imprégner un peu de la culture des natifs de l'île. Intéressant de voir comment ils ont domestiqué les sources d'eaux chaudes pour leur vie quotidienne (bains, cuisson...). Un sympathique spectacle clôturera la visite.






Je séjournerai ensuite trois jours autour du lac Taupo (immense cratère d'un ancien volcan, comme beaucoup de lacs ici) afin de pouvoir choisir la meilleure journée possible niveau météo pour effectuer la Tangariro Alpine Crossing. Il s'agit modestement de « la plus belle randonnée sur un jour de la Nouvelle Zélande ». Il s'agit également du lieu de tournage des cinématographies du Mordor. Pour le grand Canyon et pour le Fitz Roy j'avais pu profiter de sentiers quasi désert, ici peine perdue. Il est 7h du matin, tous les bus déversent des flots de randonneurs au début du parcours. On se croirait au départ d'une course à pieds. Il est vrai que c'est la seule journée de la semaine où le temps reste assez clément. Je visse les écouteurs sur mes oreilles, j'étalonne mon pas et j'arrive à m'isoler. On part à 1100m d'altitude pour atteindre 1880m et redescendre jusqu'à 800m, rien d'extravagant et en plus le sentier est en très bon état. Pas de pluie au programme et malgré le temps couvert, je profiterai parfaitement de la vue sur les différents cratères et lacs disposés sur le chemin. Le sentier monte rapidement et on change brutalement de décor. L'herbe laisse la place à un univers rocailleux et désertique à peine clairsemé de mousses et de bruyères. Après la traversée plane d'un immense ancien cratère on grimpe encore jusqu'au point culminant. A travers les nuages on observe cette horizon désolé qui s'offre à nous. A peine la descente amorcée que le clou du spectacle apparaît en contrebas : les lacs émeraudes. Trois petits cratères remplis d'une eau bleue aux différentes teintes. Beaucoup des marcheurs du jour choisissent l'endroit pour se restaurer. Je ne ferai pas dans l'originalité en les imitant. Les dix derniers kilomètres de la ballade sont en descente. Après une petite marche dans un environnement lunaire, on débouche de l'autre côté et on retrouve un semblant de végétation. On profite également d'une vue magnifique sur le lac Rotoaira. Pour conclure, le chemin plonge dans un forêt, et on continue notre descente en longeant un petit ruisseau. Après un peu plus de six heures d'effort je m'engouffre dans le bus me ramenant à mon auberge. Je sens également que mes chaussures arrivent au bout de leur vie, un changement de pneus va rapidement s'imposer. Mais pour l'instant, je ne pense qu'à la paire de bières qui m'attend au frigo.










La dernière étape de cette première semaine chez les kiwis sera la capitale Wellington. Je fais la route de matin sous un ciel gris. L'occasion de vérifier que la limitation de vitesse de 100km/h est bien en application. Du coup, je suis bon pour une subvention auprès des autorités néo zélandaises. Je décide de rallonger mon parcours, je quitte la route principale pour une route scénique. Alors que le temps s'est levé, je serpente désormais dans un décor vallonné et verdoyant parmi de nombreux troupeaux de moutons. J'optimiserai mon après midi pour découvrir Wellington et ses environs. Musée Te Papa (gratuit!) en apéritif pour se replonger dans l'univers maoris et l'histoire volcanique de l'île. J'apprends par la même que le plus grand insecte au monde, le weta, vit en Nouvelle Zélande. Ça a la taille d'une petite souris. Ça doit pas être très sympa à croiser. J’enchaîne par un petit tour en ville avant de gagner le haut du mont Victoria avec la voiture histoire de profiter d'un magnifique point de vue sur la ville. Je redescend ensuite vers Island Bay, sur l'autre versant, pour une petite promenade le long de la côte. En banlieue je retrouve les maisons en bois de type victorienne que j'avais croisées au Canada et aux États Unis. L'architecture coloniale britannique du XIXème siècle est assez similaire de part et d'autre du globe. Avec le soleil et les routes en relief, j'ai du coup un peu l'impression d'être de retour à San Francisco. Demain, on embarque la voiture sur le ferry pour gagner l'île du Sud et profiter d'encore quinze jours en Nouvelle Zélande.