Initialement je comptais
arriver à Matsue en début d'après midi, mais avec le décalage de
ma visite à Miyajima c'est dans la soirée que j'arrive à la gare
de cette ville posée au bord de la mer du Japon, au nord de l'île
principale, Honshu. Mon hôtel est en face de la gare. Heureusement
que j'ai une application de géolocalisation car sinon il m'aurait
été difficile de le trouver vu que sa façade ne présente aucune
inscription en alphabet latin. A la réception on me tend un papier à
remplir. Celui-ci est intégralement écrit en japonais. Fou rire
nerveux. Je savais que je m'éloignais un peu du circuit traditionnel
mais je ne pensais pas trouver un tel changement. Dans un anglais
très approximatif, un des réceptionnistes m'aide dans la démarche.
Matsue est réputée pour
son château. Il s'écarte un peu des standards du pays avec une
ossature atypique. De l'extérieur je retrouve par contre la même
architecture que celle observée à Himeji et Hiroshima. Au guichet,
pour la visite de l'intérieur, j'ai la chance de bénéficier d'une
réduction de moitié prix, parce que je suis étranger. Jusqu'à
présent, dans mes autres pays traversés, ce fut toujours le
contraire. De l'autre côté, dans une rue qui longe la douve
encerclant le château, on retrouve un certain charme ancien.
Derrière un long muret blanchi à la chaux orné de plaques en bois
et coiffé d'un toit de tuiles noires on trouve de nombreuses
vieilles battisses dont la plupart renferment des salons de thé
traditionnels. La cérémonie du thé est une véritable institution
au Japon. Hormis cette parenthèse, Matsue est une petite ville
japonaise assez banale au final. Je décide donc de reprendre le
train pour explorer les environs. Quatre stations plus à l'est à
Yasugi, je pars en quête du muée d'art d'Adachi. Celui-ci étant
distant de vingt minutes en voitures de la gare, le musée a eu la
bonne idée de mettre à disposition une navette gratuite depuis la
gare. Sur place, le billet d'entrée est assez onéreux, mais ici
aussi j'aurai la bonne surprise de me voir proposer un demi-tarif. Le
musée d'Adachi est surtout connu pour abriter le plus
beau jardin japonais du pays. Rien que ça. Le musée renferme de
jolis tableaux et céramiques mais le bâtiment fait effectivement et
surtout tout le tour d'un grand jardin sur lequel il offre de belles
vues au travers de grandes baies vitrées. Les japonais sont ainsi
assis devant ces immenses fenêtres. La force de ce musée est ainsi
d'offrir des tableaux vivants
à côté des toiles et des poteries. Petites buttes de gazon,
arbustes minutieusement taillés, gros rochers arrondis, filets
d'eau... sans surprise le jardin est magnifique. On est impressionné
par l'harmonie d'ensemble et la façon dont laquelle le jardin se
fond dans le décor montagneux à l'horizon. Sûrement un paysage à
observer de manière différente au fil des changements de saisons.
Je
mets ensuite cap à l'ouest vers le petit village de Tamatsukuri
Onsen. Les onsen sont
des bains chauds issus de sources naturelles. C'est également une
institution au Japon, on s'y baigne nu avec une distinction de bassin
en fonction du sexe. On les retrouve principalement dans les ryokan
(les maisons d'hôtes).
J'avais fait l'expérience du côté de Beppu lors de ma dernière
visite. Je remonte le ruisseau qui traverse le petit village. Je suis
accompagné par les écoliers en uniformes qui rentrent chez eux. Je
me pose un instant à un ashiyu
(un onsen pour les pieds)
au bord du cours d'eau pour tremper mes pieds dans l'eau chaude. Les
bienfaits sont immédiats, la chaleur gonfle les veines et soulage
les nerfs. C'est avec des pieds neufs que je regagne Matsue et plus
précisément les abords du lac Shinji qui borde la ville sur sa
partie ouest. Chaque soir le lieu est effectivement le théâtre
d'un rituel magique, le coucher du soleil dans le lac. Je ne suis pas
seul, nombreux sont les badauds et locaux venus partager le moment.
Aujourd'hui il fait beau mais l'horizon un peu nuageux va nous priver
de la magie de la palette complète de couleurs. Le soleil, pudique,
a décidé de se cacher derrière un voile brumeux. C'est tout de
même agréable d'observer la lumière faiblir et argenter le lac
animé par le fourmillement de petites vaguelettes. Au milieu de
l'eau trône une petite île autour de laquelle rodent quelques
oiseaux. En fond du tableau se dégage un relief montagneux aux tons
pastels.
Après
cette première journée très remplie dans le nord d'Honshu je me
dirige vers Tottori à une heure et demie de train plus à l'est. Je
retrouve une petite ville tout aussi banale que Matsue. Ce qui est
moins banal par contre c'est mon logement du jour. Je vais tester un
capsule hôtel. Une
très agréable surprise. Les parties communes sont impeccables et la
capsule en elle même est très fonctionnelle. On a la place pour
ranger ses affaires facilement et intuitivement, le confort est au
rendez vous et c'est assez bien insonorisé (tant mieux
pour mes voisins du jour). Au
Japon, tout est dix à quinze pour cent plus petit qu'en France
(siège des bus, salles de bains, voitures...).
C'est évidemment du à la taille des locaux mais aussi aux
différentes contraintes historique du pays (forte densité,
faible hauteur des bâtiments liée aux risques sismiques...).
Mais à aucun moment cette réduction ne se fait au détriment de la
qualité. C’est une contrainte qui a poussé le Japon à développer
toute son ingéniosité. Cette compacité joue également sur la
culture. Dans un pays ou l'espace est rare on apprend le partage et
la civilité.
J'ai
fait halte à Tottori pour découvrir l'élément naturel qui fait sa
renommée. C'est au nord, au bord de la mer que ça se passe. J'y
suis accueilli par un chameau. Oui, en effet, me voilà au pied d'une
gigantesque dune dans un décor digne d'un autre pays. Sur peut être
un kilomètre de large et trois ou quatre de long on évolue dans un
cadre à faire passer n'importe quelle plage classique pour un
vulgaire bac à sable. L'occasion de rechausser mes tongs pour cette
ascension sablonneuse. Au somment de la dune on domine une plage
sauvage sur laquelle roulent des eaux plutôt calmes. De l'autre côté
je regarde les petites empreintes laissées par la lente procession
des touristes. D'autres préfèrent s'essayer à la mini-ballade à
dos de chameau.
Le
lendemain, je quitte la côte pour rejoindre le cœur du pays à
Hikone sur les bords du lac Biwa. Le trajet doit prendre quatre
heures avec un changement à Kyoto. Oui mais mon JR pass ne me donne
pas accès à ce trajet. Mon parcours fait six heures trente et passe
par quatre trains différents. Bref, une journée dans le train à
traverser le pays. Ce n'est pas pour me déplaire. J'adore le train,
c'est une belle façon de profiter du paysage. Beaucoup plus
tranquille et fluide que le bus, c'est un moyen de transport que je
n'ai malheureusement que trop peu utilisé durant mon voyage.
Évidement prendre le train au Japon est une joie en terme de
logistique. Il y a trois changements prévus, mais à chaque fois le
temps d'attente n’excède pas les cinq minutes et le train à
prendre est toujours de l'autre côté de la plate forme. Tout ça
bien sur sans risque de retard. Et là je me revois, en Amérique du
sud ou en Asie du sud-est toujours sur le qui vive à faire attention
à tout. Non prendre le train au Japon est un luxe mental, un luxe
qui permet de profiter pleinement du paysage qui défile par la
fenêtre. Petits villages aux toits de tuiles noires, rizières
gorgées d'eau, côte de la mer du Japon, tunnels, massifs arborés...
A
Hikone, je poursuis ma visite des châteaux médiévaux. C'est vrai
que ça commence à faire un poil redondant en terme de composition
architecturale même si c'est toujours très joli, extérieur comme
intérieur. Le musée est un bon complément, on y trouve de très
vieux kimonos, des katanas et des armures de samouraïs. En sortant
je fais un petit crochet pour contourner la fortification et me
promener le long des douves. Allées de prunier puis sous bois
ombragé, le petit détour a des airs bucoliques si ce n'est de le
fait d'y croiser un serpent aussi surpris que moi. Hikone a une
mascotte, le chat-samouraï Hikonyan. Comme à Disneyland,
toutes les demi-heures, il fait une apparition dans un coin du
château sous les applaudissements de touristes conquis. Les japonais
ont une grande passion pour les mascottes et celle-ci est parait-il
une des chouchous du pays. Je poursuis la visite des abords du lac
Biwa en me dirigeant dans le village de Omihachiman. A trente minutes
à pieds de la gare on découvre la partie ancienne du village
regroupé le long d'un canal qui se faufile en contrebas. On longe le
cours d'eau en descendant dans son écrin mi-minéral mi-végétal.
Le tout à des faux airs des villages audois posés le long du canal
du midi.
Dans
cette semaine rurale je m'accorde une journée dans la gigantesque
Osaka. Mais je vais me cantonnais à un endroit, le Panasonic
Stadium. Je décide d'assister en ce samedi après midi à un
match de football opposant le Gamba Osaka aux Urawa Reds. Olive et
Tom en vrai. Nous serons vingt cinq mille à prendre place dans
ce stade flambant neuf. Les deux kops sont bien garnis et dynamiques.
Je retrouve tous les codes directement importés des tribunes
italiennes, jusque dans la langue écrite sur les bannières. Sur le
terrain c'est engagé, on note une bonne connaissance de notions
tactiques, par contre techniquement beaucoup de déchets. Les
japonais ont beaucoup progressé au football durant ces vingt
dernières années, rien d'exceptionnel encore mais de quoi faire une
belle place à ce sport derrière l’indétrônable base-ball, le
sport collectif national.
Direction
ensuite les alpes japonaises et la préfecture de Gifu au nord de
Nagoya, je vais passer trois journées à Takayama et ses environs. A
la sortie de la gare, je trouve une jolie petite ville, l'horizon
tout autour est vert et on aperçoit au loin quelques sommets
enneigés. Le cœur historique présente de belles maisons anciennes
d'époque Edo au bois noir et de nombreux stands artisanaux et
boutiques de sake (une des spécialités de la région). Et
fatalement tout cela s'accompagne d'un encombrement de touristes.
Mais comme toujours, il suffit de bifurquer de deux ou trois rues
pour retrouver et apprécier la quiétude des lieux. De l'autre côté
de la paisible petite rivière qui traverse la ville on découvre de
très nombreux temples et sanctuaires le long d'une promenade. Tout
un riche patrimoine qui mériterait de valoir à la ville le surnom
de Kyoto des montagnes. Pas mal de collines arborées
encadrent Takayama. Quand on s'aventure dans cette forêt on découvre
encore plus de temples, et au sommet de la plus importante on tombe
sur l'ancien emplacement du château féodal. Il ne reste que les
fondations, mais on peut aisément imaginer l'allure que pouvait
avoir l'édifice et de la majestueuse manière dont il devait
surplomber la vallée.
Le
lendemain je prend un bus pour me rendre une heure plus dans les
terres et découvrir le village de Shirakawago, classé patrimoine
mondial de l'UNESCO. Il s'agit enfin d'un grand hameau constitué de
vieilles maisons en bois et aux toits pentus en chaumes. Un petit
chemin permet de prendre de la hauteur et de jouir d'une vue
panoramique sur le bourg. De haut on pourrait croire à un décor
artificiel d'une bande dessinée tel que les villages d'Astérix ou
des Schtroumpfs. La masse des touristes quotidiens a inéluctablement
fait muter les lieux. Beaucoup d'échoppes et de restaurants ont pris
place dans ces maisons atypiques. Néanmoins, et ce malgré le défilé
journalier de badauds, quand on se promène le long des chemins et
des rizières, on découvre les traces d'une vie normale
(potagers, linge étendu...).
Pour
mon troisième jour, j'avais initialement envisagé de prendre le
train et descendre dans un petit village au hasard pour fuir les
touristes et sentir encore un peu mieux cet autre Japon. J'avais
deux-trois noms en tête, mais un va s'imposer naturellement à moi :
Hida-Furukawa. Deux jours avant, dans le train me menant de Nagoya à
Takayama, j'ai en effet visionné un anime japonais, Your name.
Le cadre du dessin animé se passe entre Tokyo et la campagne
japonaise. Je me suis dis que ce serait à propos. Je ne croyais pas
si bien dire. En effet, j'ai appris le soir même qu'une grande
partie était inspirée d'Hida-Furukawa. Ayant bien accroché au film,
je suis allé vérifié si je pouvais humer en vrai
l'atmosphère du dessin animé. Dés la gare on est scotché de
constater à quel point le souci du détail a été retranscrit. Le
village en lui-même est très agréable, c'est un mini-Takayama, le
charme conservé mais les touristes en moins. On déambule dans la
petite rue centrale en longeant les maisons de bois anciennes et un
petit canal où des grosses carpes japonaises nagent à
contre-courant. Au détour d'une rue et d'une porte ouverte on
découvre un chaîne artisanale d'embouteillage de saké. Après
avoir goûter, dans un petit restaurant, le bœuf d'Hida (spécialité
de la vallée d'Hida), je m'aventure en bordure du village pour
découvrir ce Japon rural constitué de petites maisons et de
rizières. Un dernier tour sur la colline jouxtant le village pour
découvrir le lycée et son terrain stabilisé ainsi qu'un énième
temple caché dans la forêt et je pourrais attraper (de justesse)
un des rares trains qui relie les lieux à Takayama.
Très
content de cette dizaine de jours légèrement en retrait de la folie
urbaine, je peux à présent replonger quelques jours à Tokyo pour
finir mon mois nippon.
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