Oulan Bator, un nom
étrange, un gros point sur la mappemonde. Un point au milieu de la
Mongolie, coincé entre les immenses Russie et Chine. Un point au
milieu de nulle part, en somme. Un point et un pays surtout qui
m'intriguent et qui m'attirent depuis longtemps. Assez pour y faire
une escale d'une quinzaine de jours. Oulan Bator est certainement
l'antithèse de c'est que la Mongolie. La capitale est le point de
convergence pour les mongoles en désir de sédentarisation et
d'accès à un mode de vie plus occidental. Avec un million
d'habitants, la ville regroupe entre un tiers et la moitié de la
population d'un pays qui fait trois fois la taille de la France.
L'agglomération s'étend en longueur sur une grosse dizaine de
kilomètres. Énormément de voitures,
de grands bâtiments au cubisme très soviétique, d'usines aux
grandes cheminées en périphérie et de champs de yourtes à
l'horizon. Le charbon étant le moyen de chauffage de prédilection,
nous trouvons ici tous les ingrédients pour classer la capitale
mongole dans le top trois mondial des villes les plus polluées. Une
première journée pour s'imprégner des us et coutumes :
écriture cyrillique, conduite à droite et état d'entretien
aléatoire des rues (ce qui choque en arrivant du Japon
mais qui doit rester dans le domaine du normal en arrivant de
France).
En
soirée, pour faire connaissance, je rejoints les quatre français
avec lesquels je vais partager mon tour à travers le pays.
Marie-Neige et Pierre de Nice, Fanny une marseillaise originaire de
Toulouse et Marion, exilée en Chine. Je serai le doyen de la bande.
Nous voyagerons dans un grand van gris largement old
school, une sorte de combi
volkswagen type XL. De fabrication russe, le véhicule s'avère être
parfaitement taillé pour la route/piste/terrain mongole. Le van a
l'originalité de posséder deux réservoirs, un de chaque côté.
Son chauffeur se prénomme Tsoprat, la soixantaine et des faux airs
de moine bouddhiste reconverti ou de Tortue Géniale
version mongole. Notre guide
francophone, quant à lui, a un prénom à rallonge mais un surnom
très court, Jijee. Quatre ans en France dans une école de cirque
lui ont conféré une assez bonne maîtrise de notre langue.
Une
heure pour nous libérer de la dense circulation d'Oulan Bator et
nous voilà enfin lancés dans l'aventure mongole. Les premières
heures de route me rappellent la pampa argentine. De grandes landes
désertiques parsemées de buissons ou de broussailles et balayées
par le vent. Les poteaux en bois qui guident les fils électriques
sont les seules hautes émergences au tableau. Pas d'arbre. Si en
Argentine la monotonie du panorama n'était que faiblement troublée
par la présence animale, ici on croise beaucoup plus de vie, les
lieux sont habités. De ci de là, on découvre les premières
yourtes et de nombreux troupeaux en totale liberté. Pas de murs, pas
de barrières, pas d'enclos. Juste le plus grand pâturage du monde
traversé par une longue langue de goudron. Moutons, chèvres,
vaches et bien sur chevaux. Jijee fait stopper le véhicule et nous
mène jusqu'à un poteau au pied duquel des vaches inexpressives nous
toisent. Le point d’intérêt est plus haut, dans un pneu accroché
au pylône se trouve un nid duquel trois ou quatre têtes de bébé
faucons gris dépassent. Dans les airs, les parents tournoient au
dessus de nous et projettent leurs ombres sur le sol. Nous nous
arrêtons ensuite observer les vestiges d'un monastère bouddhiste au
pieds de collines arides. L'occupation communiste soviétique a
nettoyé tous ces éléments du patrimoine culturel du pays.
Deux petits temples colorés laissent imaginer à quoi pouvait
ressembler l'ensemble. En fin de journée, nous montons le camp
autour d'un petit lac posé à côté de mini dunes de sable. Une
fois tous le matos estampillé quechua installé, nous
profitons de la faune locale à moitié sauvage : chevaux,
moutons, chèvres et... chameaux. Première étrange surprise. En
journée, le mercure tutoie les 30°C mais en fin d’après-midi, la
température baisse rapidement. Cela n’altère en rien le spectacle
qui nous est offert. Coucher de soleil flamboyant derrière les dunes
puis reflet d'une belle pleine lune dans le lac du côté opposé.
Bienvenue en Mongolie.
Le
lendemain nous prenons la route de Karakorum, l'ancienne capitale de
l'empire mongole de Gengis Khan. Dans le musée archéologique, Jijee
nous présente fièrement l'histoire de son pays. Une succession de
conquêtes qui ont étendu les frontières aux confins de presque
toute l'Asie et jusqu'aux portes de l'Europe. Il ne reste
malheureusement rien de cette ville bâtie au XIIIéme siècle. Nous
faisons un tour au monastère voisin, plus récent. Enfin, un tour de
ce que les soviétiques ont épargné. L'occasion d'assister à une
séance de prières de moines tibétains. Assis autour de pupitres,
ils récitent inlassablement leurs textes sacrés. On fait
discrètement le tour de la pièce où les bonzes, imperturbables,
émettent leur bourdonnement.
A
partir de là, la route disparaît, nous suivons les traces d'une
piste qui traverse quelquefois de petits cours d'eau ou se perd
entre les cailloux. Une longue et cahoteuse virée qui nous permet de
découvrir d'intrépides marmottes détalant rapidement à la vue de
notre bolide gris. Nous nous arrêtons même pour essayer de
retrouver les traces d'un renard que nous avons vu s'enfuir derrière
les rochers d'une colline. Ce soir nous ne montons pas de tente, nous
dormons sous le toit d'une yourte, chez les nomades. Le peuple
mongole est un peuple nomade qui accompagne son bétail au gré
de l'état des pâturages. Un mode de vie directement en lien avec la
nature et qui met à mal la notion de propriété et de territoire.
La yourte se prête bien à ce besoin de mobilité. De forme
arrondie, la structure se compose d'arceaux en bois entrelacés, une
fine couche de couverture de laine de moutons isole hermétiquement
l'habitation. Comme un chapiteau, le toit est posé sur une multitude
de bâtons disposés en rayon. Le sommet fait office de puits de jour
et permet de laisser sortir la cheminée du poêle central. Les lits
et le mobilier très coloré (orange, rose, jaune, vert...)
sont disposés en cercle autour de ce foyer. Une batterie de voiture
offre une réseau électrique sommaire. Un petit coin du logis est
réservé à l'édification d'un petit autel bouddhiste. Nous sommes
accueillis par la traditionnelle tasse de thé salé au lait chaud de
yack. Les deux petits enfants de la famille sont tout heureux de voir
débarquer un peu d'animation. Il est vrai qu'isolés dans
leur yourte, perdue dans l'immensité mongole, leurs journées se
ressemblent à pédaler sur un petit vélo rose à roulette pour la
fille ou pousser une petite voiture à pédale pour le garçon. L'eau
se puise dans le petit cours d'eau voisin et les toilettes sont là
où on le souhaite. Une vie au plus prés de la nature. Au petit
matin, Jijee nous emmène saluer les autres familles installées à
proximité. Chaque groupe de yourtes est distant de deux ou trois
kilomètres mais bien visible les uns des autres sur cet immense
terrain plat et dégagé. Cette virée matinale se transforme en
marathon culinaire puisqu'à chaque fois l'hospitalité mongole nous
pousse à l'intérieur des yourtes pour boire du thé au lait et
manger des beignets de viandes ou autres gâteaux.
Nous
sommes dans la vallée d'Orkhon, une petite randonnée pédestre nous
permettra de remonter le cours d'une petite rivière encaissée dans
un canyon. Le sol manque cruellement d'eau. Nous marchons sur une
herbe séchée vert pâle qui craque sous nos pas. Celle-ci devrait
être d'un vert éclatant selon Jijee. Par endroit le cours d'eau
est asséché et on devine le lit fantôme de la rivière à la
couleur blanche des rochers. Notre ballade se termine au pieds d'une
toute petite chute d'eau où nous surprenons un troupeau de yacks
descendu pour s'hydrater. Nous pique-niquerons dans les vestiges d'un
camp de vacances construit par les soviétiques et à présent
abandonné. Nos seuls voisins seront un trio de chiens attirés par
notre repas. De retour au camp de yourtes, alors que mes compagnons
partent faire un tour de cheval, je joue à des jeux simples avec les
enfants. Je leur fais une démonstration avec le handspinner que l'on
m'a donné lors de mon match de baseball à Oakland. Je ne pensais
pas qu'il aurait une telle utilité. L'excursion à cheval terminé
nous partons tous, tels des parisiens au salon de l'agriculture, à
la traite des yacks sous le regard gentiment moqueur de la mère de
famille. Le repas du soir sera un barbecue mongole. De la viande de
mouton versée dans un cocotte minute remplie d'eau salée dans
laquelle on insère des pierre chauffées au poêle. Cuisson vapeur,
sans graisse. Petit rituel à table : on boit à tour de rôle
un fond de verre de vodka (au blé) cul sec. Le chef de
famille distribue ensuite à chacun un morceau de viande extrait de
l'omoplate. On rogne ensuite les os de moutons dans la pénombre de
la yourte. Il y a un un gros côté homme des cavernes dans le
procédé. Fin de repas précipité, un loup aurait été aperçu
prés des troupeaux. Dans l'obscurité, nous observons de loin la
traque du prédateur via les lumières des phares ratissant la
plaine, sans succès.
Le
lendemain, grosse journée de route pour rejoindre une nouvelle
famille. Nous faisons le plein et le ravitaillement à un petit
village. Pas de bitume, les maisons aux toits colorés sont protégées
derrières de hautes palissades en bois. Le vent soulève le sable
des chemins terreux et cabossés qui quadrillent la ville. Les
mongoles y déroulent leurs dures vies quotidiennes en bottes et
épais manteaux. La route s'élève et fatigue notre van surchargé.
Nous devons fréquemment nous arrêter pour faire baisser la
température. Nous croisons régulièrement des troupeaux de yacks,
chevaux, chèvres et moutons mais également beaucoup de cadavres en
état de décomposition plus ou moins avancé. La rigueur du climat
ne fait pas de cadeau. Le vent souffle très fort, ce qui nous
empêche de nous installer confortablement pour préparer le repas du
midi. Jijee demande donc l’hospitalité à une famille nomade sur
le chemin. Et en moins de deux, nous voilà assis en ronde dans la
yourte avec un verre de thé au lait de yacks en main pendant que nos
pâtes cuisent à côté. Le sens de l'accueil n'est pas un vain mot
chez les nomades. Après trois nouvelles et longues heures de routes,
nous atteignons les yourtes de nos hôtes du soir. Le vent n'a pas
faibli, dans la fraîcheur de la fin de journée, bien emmitouflés
et coiffés de bonnets nous participons à l'édification d'une
yourte. Pas une vis et pas un clou, tout à la ficelle. Le père de
famille nous guide dans le déploiement et l’emboîtement des
différentes pièces qui constituent l'ossature extérieure. Vient
ensuite la confection du toit avec l'imbrication des différents
bâtons qui, disposés en rayon, relient le mas central à
l'ossature. Une fois le squelette terminé, nous nous
engouffrons dans la yourte principale pour nous réchauffer autour du
poêle alimenté à la bouse et boire de la bière. Alors que dehors
le vent redouble, nos hôtes nous font partager de jolis chants
mongols. Instants magiques. Le visage est empourpré par la rudesse
du climat et l'ampleur de la tâche quotidienne mais le sourire des
joies simples demeure, comme des marins heureux de trouver refuge
dans un troquet après de longues journées passée au large. Froid
aux mains mais chaud au cœur.
La
nuit s'annonce fraîche dans la yourte. Le vent vrombit et fait
claquer la bâche extérieure. Bien qu'à l'abri, nous pouvons bien
sentir les éléments qui se déchaînent dehors. Le vent va encore
monter en puissance durant la nuit et faire danser la structure en
bois de la yourte. Des bâtons se décrochent même de l'armature et
heurtent le sol. Dehors, au petit matin, dans des bourrasques
impressionnantes, on découvre un sol recouvert d'une pellicule de
neige. Notre début d'assemblage de yourte de la veille est à terre,
tel un gros jeu de mikado. Nous sommes contraints de changer nos
plans du jour et de nous rapatrier dans la maison d'hiver de la
famille au village voisin, à deux heures de route. Le père de
famille va rester seul au campement, pour faire la maintenance mais
surtout pour récupérer son bétail sûrement éparpillé de froid
et de peur. Un cheptel qui affichera immanquablement, hélas, des
pertes. Sur la route, nous croisons de nombreuses autres familles
dans la même situation. Certaines yourtes sont mêmes éventrées,
laissant apparaître la structure en bois sous une couche de laine
déchirée, un peu à l'image des cadavres d’animaux sur la route
où les squelettes sont bien visibles sous une une peau devenue
inutile. La maison de la famille est une petite battisse sans
prétention avec l’électricité mais sans eau courante. Nous
camperons dans le salon. Après un tour aux douches publiques
du village nous passerons la soirée dans le bar d'un petit hôtel à
touriste autour d'une bouteille de vodka pour nous remettre de nos
émotions.
Nous quittons le village
de nos hôtes qui, quant à eux, retournent dans leur campement dans
la vallée. Aujourd'hui nous prenons la route, ou plutôt la piste du
désert de Gobi. Dernier ravitaillement à la capitale de la province
puis au fur et à mesure que nous abattons les kilomètres les
steppes jaunâtres disparaissent définitivement du paysage. Après
avoir visité à nouveau les ruines d'un monastère nous posons nos
tentes à la lisière d'une rivière asséchée, face à un camp
touristique de yourtes. L'occasion en toute roublardise de leur
siphonner de l'eau et
profiter de leurs toilettes. Le lendemain, notre van reprend la route
en toute modestie telle une minuscule puce de métal qui file sur le
fin sillon de sable qui raye ce désert de gravier et de mousse.
On aperçoit au loin la ligne électrique qui elle aussi file droit.
De temps à autres, des groupes de chameaux sauvages regardent passer
notre van et son nuage de poussière. Le ciel d'un bleu clair profond
à peine teintée de quelques nuages enveloppe de son immensité cet
océan aride et efface toute éventuelle trace d'ombre. Nous sommes
entrés en plein cœur du désert de Gobi.
Ce
soir pas de tente, nous aurons droit nous aussi à notre camp de
yourtes. Et nous en aurons même l'exclusivité puisque notre van
sera le seul sur le parking. En fin de journée, après avoir dîné,
nous partons voir l'attraction touristique voisine, un gros plateau
rocheux rouge taillée par l'érosion, un mini Monument
Valley. La virée sera courte,
une tempête de sable s'apprête à dévorer le gigantesque caillou.
La densité du sable en mouvement transforme le ciel en grosse masse
grise, ce qui fait ressortir le rouge éclatant de la pierre. On se
croirait témoin d'une éruption volcanique ou face à l'approche
d'une tornade. Nous partons nous réfugier dans la salle commune du
camp de yourtes où j’apprends toutes les subtilités de la belote
mongole.
Après
avoir laissé les rochers rouges à leur solitude nous poursuivons
notre incursion dans la désolation des paysages de Gobi. La dureté
de la route met à mal les suspensions de notre van et nous secoue
constamment. Ainsi prisonniers de la route, le regard perdu dans
l'immensité de notre horizon notre esprit s'évade. Les pensées
vont et viennent dans une tête vidée de tout tracas quotidien. Les
bienfaits du voyage. Notre bruyante chevauchée fait détaler de
temps à autres quelques gazelles qui nous ont certainement classés
dans la catégorie des prédateurs. Nous arrivons finalement à une
impressionnante bande de dunes de sable au pied de laquelle un
troupeau de chèvres broute une fine pellicule d'herbe irriguée par
un mince filet d'eau perdue dans cet environnement inamical. Scène
improbable en plein désert. Les chèvres restent imperturbables
alors que nous escaladons les grosses bosses de sables voisines. En
haut de ces géants fragiles nous profitons d'un panorama incroyable
sur les alentours. Nous logerons à proximité chez une famille de
chameliers. Nous aurons droit en guise d'activité de fin de journée
à une ballade à dos de chameaux. Nous sommes assez bien installés
dans le creux de leurs bosses. C'est finalement un animal assez
curieux. Le pelage semblable à son cousin le lama, des têtes et des
crinières assez comiques, un regard de bovin des plus inexpressif et
des petits cris tout droit sortis de la bouche de Chewbaca.
Nous parcourons à allure modéré, sur nos nonchalante montures, une
petite boucle dans un cadre somptueux. D'un côté on observe le
soleil tomber à l'horizon et projeter nos longues ombres sur le sol
alors que de l'autre côté les longues dunes se teintent de rose à
mesure que la luminosité décline.
Le
lendemain le théâtre de nos aventures sera un petit canyon dans
lequel nous nous engouffrons avec notre van tout terrain. Nous
remontons ainsi le lit d'une rivière qui coule paisiblement entre la
roche. Nous sommes au mois de juin mais on trouve de nombreux blocs
de glace dans les parties continuellement ombragées. L'hiver, toute
la rivière se fige de froid et devient prisonnière de cette faille
rocheuse. Nous profitons d'un coin de verdure pour piquer niquer les
pieds au bord de l'eau au cœur de ce petit canyon sous le regard de
vaches, elles aussi en train de déjeuner. Plus loin, on abandonne le
van pour s'aventurer, à pieds, encore plus profondément dans la
brèche, là où les glaces sont éternelles. Je manque à maintes
reprises de m'étaler sur ce sol gelé et glissant. Nous passerons
encore une nuit sous une yourte dans une famille d'accueil. Nous ne
sommes plus dans la famille nomade qui fait de l'hébergement de
touristes comme revenu d'appoint. Ici, c'est l'activité principale.
On est dans un secteur assez fréquenté et on voit ainsi l'impact du
tourisme sur l'économie et la vie locale. Mais il reste encore de la
marge avant la dénaturation du pays.
Cela
fait quatre jours que nous arpentons le désert de Gobi et pourtant
celui-ci a toujours de nouvelles curiosités géologiques à offrir.
Aujourd'hui nous partons en direction de la stuppa blanche.
Un haut plateau qui s'érode en
cheminée de fée (comme j'ai pu l'observer en Anatolie ou
du côté de Bryce Canyon). Au
sommet de notre promontoire, on domine ce spectacle lunaire composé
de vallons blanchâtres tachetés de rose et de rouge. Un point de
vue impressionnant qui n'a rien à envier à ceux de l'Ouest
Américain. Nous sommes en rade d'eau pour la cuisine et la vaisselle
suite à un oubli de recharge au dernier village traversé. Nous
quittons donc la route goudronnée en quête d'un point d'eau. Nous
trouvons un puits à proximité duquel une vingtaine de chameaux
patientent impassiblement. Alors que nous nous approchons de cette
source providentielle, nous nous faisons calmement encercler par ces
grosses peluches à bosses du désert. Ils s'attendent sûrement
qu'on leur donne à boire. Scène une nouvelle fois surréaliste.
Nous posons notre camp plus loin. Le même rituel se met en place.
Tsoprat s’attelle à l'entretien de notre monture de métal pendant
que Jijee s'active derrière le réchaud, quant à mes compagnons de
voyages et moi même, nous profitons d'un peu de bière tiède tout
en nous exerçant à la belote mongole. Nos tentes paraissent
minuscules dans cette plaine désertique qui semble infinie. Seuls au
monde. L'immense ciel étoilé qui nous écrase peut en témoigner.
Le camping tel qu'il devrait toujours l'être. Tente avec vue sur
toutes les beautés du monde.
Grosse
journée de route pour s'extraire de l'aridité de Gobi et nous
rapprocher de la capitale mongole qui marquera la fin de cette
escapade hors norme. Nous ferrons un petit détour pour observer les
ruines d'un temple caché dans d'étranges excroissances rocheuses.
Pour le camp du soir, nous retrouvons un semblant de steppe et de
verdure. Encore une fois nous sommes au milieu de nulle part mais
nous avons de la compagnie, nous sommes en effet installés sur un
réseau de galerie de souris. Nous les voyons timidement sortir la
tête de leurs trous et y replonger aussitôt, perturbées par toute
cette agitation provenant de ces montagnes synthétiques qui se sont
soudainement dressées sur leur terrain de jeu. Nous aurons également
la visite d'une centaine de chevaux qui, guidés par leur
propriétaire à moto, traversent majestueusement la steppe. Je
chéris ces instants déjà empli de nostalgie. C'est notre dernière
nuit au cœur de ce pays si sauvage.
Le
lendemain nous arrivons en effet rapidement aux portes d'Oulan Bator
que nous retrouvons tel que nous l'avions laissée : bruyante et
encombrée. C'est aussi la promesse d'une douche, chose que nous ne
connaissons plus depuis cinq jours. Nous déposons nos affaires à
notre hôtel puis après un dernier repas nous faisons nos adieux à
Tsoprat. Un conducteur hors pair, toujours prévenant et souriant,
avec qui la communication aura été simple malgré la barrière de
la langue. Jijee nous conduit ensuite dans différentes boutiques
pour que mes compagnons de voyage puissent faire le plein de
souvenir. Je me limiterai à un simple osselet qui m'aidera à me
remémorer ces belles journées à découvrir un pays très sauvage,
riche en paysage et valeurs humaines. Un pays brut, rude mais tout
simplement beau. Jijee nous abandonne à son tour en fin de journée.
Après un spectacle traditionnel, nous nous accordons un repas
occidental pour faire un break dans ce régime mongol très
viandard. Au petit déjeuner je salue Marion "la
chinoise", "Tsas" (Neige en mongol) et "Chuluu" (Pierre en mongol) tels que Jijee les avaient
rebaptisés. Fanny, quant à elle est partie aux aurores. Me voilà
donc à nouveau seul. Une fin d'aventure qui va marquer le début
d'une autre. La dernière de ce voyage avec un retour en Europe. Mais
avant cela je vais marquer un petit moment de respiration à Oulan
Bator qui est maintenant autre chose qu'un simple point sur une
carte. Une fois encore je vais laisser un pays avec l'envie d'y
revenir.
Ça ressemble comme 2 gouttes d'eau au Kirghizstan (à l'exception des dunes de sable). Peut-être une idée de prochain voyage dans un pays que tu ne connais pas encore ?
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