A priori dernière journée marathon de mon voyage qui commence par
un départ de mon hôtel d'Oulan Bator vers les 4h30 du matin avec
les premiers rayons du jour. Décollage à 7h pour six heures trente
de vol qui me mènent à Moscou. Dans la capitale russe, il n'est
localement que 9h30 à cause du décalage horaire. L'aéroport est
truffé d'affiches pour la coupe du monde de football qui débarque
elle aussi ici dans deux jours. Petit regret. Avec un peu plus de
préparation et d'anticipation elle aurait pu être sur ma route.
Mais ce qui m'énerve le plus c'est de voir ma carte refusée aux
différents kiosques et mon oubli de changer mes billets de banques
mongoles avant de partir. Ici, ils sont snobés par les banques. Bref
pas malheureux de redécoller deux heures après. Me voilà donc
finalement à Helsinki. En arrivant devant les guichets d'immigration
je réalise qu'il s'agit de mon dernier passage de frontières. Je
vais échapper aux traditionnelles questions sur le but de ma visite,
mon lieu de séjour et ma date de départ. Ce coup-ci je rentre chez moi.
Même si la route ne semble pas évidente. Et c'est en voyant sortir
des euros du distributeur que je comprends que je suis pas loin du
retour même s'il me reste encore plus de trois milles bornes à
dérouler.
Voici donc la
dernière partie de mon voyage : traverser l'Europe de haut en
bas. Une descente assez urbaine, je vais égrener tranquillement
chacune de ces villes tel un pèlerin avec son chapelet. C'est une
partie de l'Europe que je connais peu et j'avais envie de voir des
« vieilles » villes
avec des bâtiments chargés d'histoire. Chose qu'il m'a manquée aux
Amériques. Helsinki sera la première. Vu le prix élevé de
l'hôtellerie locale, mon séjour sera bref. Je paye sévèrement le
décalage horaire. Techniquement nous sommes en début d’après
midi, pour mon cerveau c'est le début de la soirée et pour mon
corps qui s'est levé aux aurores c'est l'agonie. Mais le beau temps
et la belle agitation donne de l'énergie. La capitale finlandaise
est assez animée, il y a même un gros festival avec concerts
gratuits dans le grand parc de la ville. Une demi journée m'aura
permis humer un peu de cette ambiance de cette capitale mi-scandinave
mi-soviétique.
Le lendemain matin
je m'offre une traversée de deux heures en ferry pour rejoindre
l'Estonie et Tallin. Petite agglomération qui abrite une magnifique
vieille ville cerclée de ses remparts médiévaux. On traverse ses
rues pavées pour passer de la grande place aux différentes églises.
C'est assez coloré, bien décoré, on reconnaît l’influence
saxonne, voire flamande. Je retrouve en effet les même maisons « à
crochet » qu'à Amsterdam
(maisons sur 2/3 niveaux au sommet desquelles un crochet
permettait, à l'aide de cordes, de faire coulisser les marchandises
vers les étages supérieurs du logis. Le rez de chaussée étant
généralement la boutique)
preuve de l'histoire commerçante de ce port posé sur la Baltique.
C'est exactement le genre d'ambiance que j'ai plaisir à retrouver.
Je m'éloigne un peu de la partie touristique pour faire un détour
au faubourg proche et c'est son immense marché astucieusement agencé
dans d'anciens bâtiments de pierre qui naturellement m'attire. Un
excellent saumon accompagné d'une savoureuse bière locale finiront
de me convaincre sur les qualités de cette belle petite ville.
Quatre heures plus au
sud, Riga a elle aussi des atouts à faire valoir. Le centre est plus
grand mais plus hétéroclite. On trouve ici aussi de belles places,
de jolies façades et de grandes églises, majoritairement
orthodoxes, l'influence locale. Comme à Tallinn, un marché jouxte
le centre. C'est d'ailleurs là que je réside. Je le traverse
régulièrement. Mais c'est pas du tout la même ambiance que dans la
capitale estonienne. Ici, ce sont aussi des bâtiments reconvertis.
Il s'agit d'une ancienne base navale. Les édifices sont imposants.
Ils ont moins de cachet mais offre un certain charme. Mais j'aime
bien circuler entre ces stands qui savent donner une nouvelle vie à
des lieux chargés d'une autre histoire.
La coupe du monde
de football va morceler mes visites. Chaque affiche est l'occasion
pour moi d'une anecdote. Pour France – Australie, je repense au
guide de mon tour de ville à Melbourne avec qui j'avais un peu parlé
football et qui avait la chance d'avoir eu des billets pour ce match.
Il doit être quelque part dans ce stade. Pour Argentine – Islande,
je repense au tirage au sort de cette coupe du monde. Je venais juste
d'arriver à Buenos Aires et j'ai juste eu le temps de me jeter dans
un bar pour assister à ce fameux tirage au sort. Les argentins
étaient rivés sur l'écran, j'ai débriefé avec quelques uns après.
Ils me disaient de me méfier du Pérou, je leur en ait dit autant
sur l'Islande, mais ils ne semblaient pas convaincus. Ils ont eu
tort. Vilnius clôturera mon court séjour aux pays baltes. Ville
agréable mais avec moins de charme que ses deux voisines. On y
trouve en revanche un nombre incalculables d'églises toutes plus
différentes les unes des autres. Mention spéciale à la cathédrale
Saint Stanislas qui a une forme de capitole avec son clocher détaché.
Direction la
Pologne à présent. Encore un changement d'ambiance à prévoir. Le
bus nous pose au cœur de la ville de Varsovie. Une immense place mal
agencée où se mêle parkings, esplanades et parcs. Et au milieu
trône une immense tour aux formes rectilignes toutes soviétiques.
Il s'agit en fait du palais de la culture et de la science érigé
dans les années cinquante à l'initiative de Staline. Plus de deux
cent mètre de haut. On est cinq ans après la fin d'une guerre qui a
fortement touchée la ville, je ne suis pas sur que l'érection d'un
tel monument fut la priorité des varsoviens. C'est simple en
descendant du bus je pensais me trouver dans le Bucarest de
Ceausescu. On sent de la tension dans l'air. En effet, c'est au tour
de la Pologne de faire son entrée dans la coupe du monde contre le
Sénégal. Il y a bien une sorte de mini-écran géant sur la grande
place mais il semble réservé à une clientèle VIP. Je me pose donc
au zinc d'un petit bar pour vivre
le match avec les locaux. Il est 17h, certains sont à la bière mais
les plus téméraires sont à la vodka. Si le score sera défavorable
et cassera un peu l'ambiance, un but polonais en fin de match
ravivera quelque peu la flamme. Le bar paiera même sa tournée
générale : shooter de vodka pour tout le monde.
Deux kilomètres
plus à l'ouest, on découvre la vieille ville,
ou plutôt la « nouvelle » vieille ville
puisque celle-ci a été complètement détruite durant la guerre
puis reconstruite à l'identique. Si je ne le savais pas il m'aurait
été dur de le deviner tant le travail est bien fait. A l'opposé, à
l'est, le grand parc royal Lazienki offre de jolis parcours ombragés
sur de larges sentiers qui s'aventurent sous d'imposants arbres
feuillus à la découverte de pavillons de pierres à colonnes et
leurs jardins. Un univers très versaillais,
à l'image de ce petit palais flottant
posé sur un canal.
Ainsi, de bus en bus, je
glisse tranquillement sur ces routes d'Europe. Encore de long
kilomètres qui forgent l'esprit. Si le bus file droit, sur de lui,
je ne sais trop, quant à moi, de quoi je m'éloigne et de quoi je me
rapproche. Je vais boucler la boucle, certes. Mais je sais que je ne
reviens pas vraiment à moins point de départ. Mes bagages seront
chargés d'un peu plus de certitudes et surtout de nouvelles envies.
Un retour pour un autre départ en somme. Pour l'heure c'est Cracovie
qui s'annonce au programme. L'ancienne capitale polonaise m'offre
elle aussi une jolie vieille ville avec une très grande place
centrale où un beffroi, une immense église et une intrigante halle
marchande en pierre se partagent la vedette. Ma visite est un peu
gâchée par la pluie qui s'invite au tableau. A l'autre bout de la
cité sur une grande butte surplombant l'ensemble, on trouve la
partie royale, haut lieu historique polonais. Dans la cathédrale, on
trouve même au cœur de la nef les reliques de nombreux rois et dans
la crypte les tombeaux de plusieurs artistes nationaux ce qui fait
donc du lieu à la fois une basilique et un panthéon.
Le lendemain, le
temps est toujours gris, ce qui colle bien avec la thématique de ma
journée. Je me rends à une heure trente de Cracovie dans la verte
campagne polonaise. Je viens visiter des ruines du siècle dernier,
théâtre des plus grandes horreurs commises par l'Homme. Me voilà
donc à côté du petit village d'Oswiecim, plus connu sous son nom
allemand: Auschwitz. Trois heures de visites pour plonger dans
la noirceur de l'âme humaine. Un musée dans les anciens
baraquements pour découvrir des amoncellements d'objets confisqués
aux victimes. On passe dans une pièce où derrière une vitrine
d'une vingtaine de mètres de long se dresse une montagne de restes
de cheveux. Deux Tonnes. L'équivalent
de 40.000 personnes. La guide assène ainsi des chiffres, des
quantités, des volumes qui glacent le sang. Puis de nos yeux nous
découvrons les conditions
d'accueil. Les personnes qui passaient la porte du camps avaient
perdus, aux yeux de leurs bourreaux, toute identité humaine. Du
bétail à l’abattoir. Une méthodologie froide, une recherche de
la productivité où la pitié était une insulte. On connaît tous
cette histoire (plus
certainement que celle d'autres génocides tout aussi horrible)
mais y mettre des images est assez pénible. On traverse ces immenses
lieux abandonnés. La scène est vide mais son silence est
assourdissant. A chaque endroit, on imagine l'horreur invisible
frapper les fantômes du passé. Puis vient le passage par la chambre
à gaz et ses fours crématoires attenants. La seule restante que les
nazis n'ont pas eu le temps de détruire avant leur reddition. Cette
visite est une épreuve. Celle d’accoler une réalité visuelle à
cette abomination historique. Je terminerais la journée autour d'une
bière dans un bar animé. La Pologne joue son deuxième match du
mondial. Demain, je change de pays.
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