dimanche 24 juin 2018

Parfum d'Europe


A priori dernière journée marathon de mon voyage qui commence par un départ de mon hôtel d'Oulan Bator vers les 4h30 du matin avec les premiers rayons du jour. Décollage à 7h pour six heures trente de vol qui me mènent à Moscou. Dans la capitale russe, il n'est localement que 9h30 à cause du décalage horaire. L'aéroport est truffé d'affiches pour la coupe du monde de football qui débarque elle aussi ici dans deux jours. Petit regret. Avec un peu plus de préparation et d'anticipation elle aurait pu être sur ma route. Mais ce qui m'énerve le plus c'est de voir ma carte refusée aux différents kiosques et mon oubli de changer mes billets de banques mongoles avant de partir. Ici, ils sont snobés par les banques. Bref pas malheureux de redécoller deux heures après. Me voilà donc finalement à Helsinki. En arrivant devant les guichets d'immigration je réalise qu'il s'agit de mon dernier passage de frontières. Je vais échapper aux traditionnelles questions sur le but de ma visite, mon lieu de séjour et ma date de départ. Ce coup-ci je rentre chez moi. Même si la route ne semble pas évidente. Et c'est en voyant sortir des euros du distributeur que je comprends que je suis pas loin du retour même s'il me reste encore plus de trois milles bornes à dérouler.


Voici donc la dernière partie de mon voyage : traverser l'Europe de haut en bas. Une descente assez urbaine, je vais égrener tranquillement chacune de ces villes tel un pèlerin avec son chapelet. C'est une partie de l'Europe que je connais peu et j'avais envie de voir des « vieilles » villes avec des bâtiments chargés d'histoire. Chose qu'il m'a manquée aux Amériques. Helsinki sera la première. Vu le prix élevé de l'hôtellerie locale, mon séjour sera bref. Je paye sévèrement le décalage horaire. Techniquement nous sommes en début d’après midi, pour mon cerveau c'est le début de la soirée et pour mon corps qui s'est levé aux aurores c'est l'agonie. Mais le beau temps et la belle agitation donne de l'énergie. La capitale finlandaise est assez animée, il y a même un gros festival avec concerts gratuits dans le grand parc de la ville. Une demi journée m'aura permis humer un peu de cette ambiance de cette capitale mi-scandinave mi-soviétique. 




Le lendemain matin je m'offre une traversée de deux heures en ferry pour rejoindre l'Estonie et Tallin. Petite agglomération qui abrite une magnifique vieille ville cerclée de ses remparts médiévaux. On traverse ses rues pavées pour passer de la grande place aux différentes églises. C'est assez coloré, bien décoré, on reconnaît l’influence saxonne, voire flamande. Je retrouve en effet les même maisons « à crochet » qu'à Amsterdam (maisons sur 2/3 niveaux au sommet desquelles un crochet permettait, à l'aide de cordes, de faire coulisser les marchandises vers les étages supérieurs du logis. Le rez de chaussée étant généralement la boutique) preuve de l'histoire commerçante de ce port posé sur la Baltique. C'est exactement le genre d'ambiance que j'ai plaisir à retrouver. Je m'éloigne un peu de la partie touristique pour faire un détour au faubourg proche et c'est son immense marché astucieusement agencé dans d'anciens bâtiments de pierre qui naturellement m'attire. Un excellent saumon accompagné d'une savoureuse bière locale finiront de me convaincre sur les qualités de cette belle petite ville.








Quatre heures plus au sud, Riga a elle aussi des atouts à faire valoir. Le centre est plus grand mais plus hétéroclite. On trouve ici aussi de belles places, de jolies façades et de grandes églises, majoritairement orthodoxes, l'influence locale. Comme à Tallinn, un marché jouxte le centre. C'est d'ailleurs là que je réside. Je le traverse régulièrement. Mais c'est pas du tout la même ambiance que dans la capitale estonienne. Ici, ce sont aussi des bâtiments reconvertis. Il s'agit d'une ancienne base navale. Les édifices sont imposants. Ils ont moins de cachet mais offre un certain charme. Mais j'aime bien circuler entre ces stands qui savent donner une nouvelle vie à des lieux chargés d'une autre histoire.








La coupe du monde de football va morceler mes visites. Chaque affiche est l'occasion pour moi d'une anecdote. Pour France – Australie, je repense au guide de mon tour de ville à Melbourne avec qui j'avais un peu parlé football et qui avait la chance d'avoir eu des billets pour ce match. Il doit être quelque part dans ce stade. Pour Argentine – Islande, je repense au tirage au sort de cette coupe du monde. Je venais juste d'arriver à Buenos Aires et j'ai juste eu le temps de me jeter dans un bar pour assister à ce fameux tirage au sort. Les argentins étaient rivés sur l'écran, j'ai débriefé avec quelques uns après. Ils me disaient de me méfier du Pérou, je leur en ait dit autant sur l'Islande, mais ils ne semblaient pas convaincus. Ils ont eu tort. Vilnius clôturera mon court séjour aux pays baltes. Ville agréable mais avec moins de charme que ses deux voisines. On y trouve en revanche un nombre incalculables d'églises toutes plus différentes les unes des autres. Mention spéciale à la cathédrale Saint Stanislas qui a une forme de capitole avec son clocher détaché






Direction la Pologne à présent. Encore un changement d'ambiance à prévoir. Le bus nous pose au cœur de la ville de Varsovie. Une immense place mal agencée où se mêle parkings, esplanades et parcs. Et au milieu trône une immense tour aux formes rectilignes toutes soviétiques. Il s'agit en fait du palais de la culture et de la science érigé dans les années cinquante à l'initiative de Staline. Plus de deux cent mètre de haut. On est cinq ans après la fin d'une guerre qui a fortement touchée la ville, je ne suis pas sur que l'érection d'un tel monument fut la priorité des varsoviens. C'est simple en descendant du bus je pensais me trouver dans le Bucarest de Ceausescu. On sent de la tension dans l'air. En effet, c'est au tour de la Pologne de faire son entrée dans la coupe du monde contre le Sénégal. Il y a bien une sorte de mini-écran géant sur la grande place mais il semble réservé à une clientèle VIP. Je me pose donc au zinc d'un petit bar pour vivre le match avec les locaux. Il est 17h, certains sont à la bière mais les plus téméraires sont à la vodka. Si le score sera défavorable et cassera un peu l'ambiance, un but polonais en fin de match ravivera quelque peu la flamme. Le bar paiera même sa tournée générale : shooter de vodka pour tout le monde. 


Deux kilomètres plus à l'ouest, on découvre la vieille ville, ou plutôt la « nouvelle » vieille ville puisque celle-ci a été complètement détruite durant la guerre puis reconstruite à l'identique. Si je ne le savais pas il m'aurait été dur de le deviner tant le travail est bien fait. A l'opposé, à l'est, le grand parc royal Lazienki offre de jolis parcours ombragés sur de larges sentiers qui s'aventurent sous d'imposants arbres feuillus à la découverte de pavillons de pierres à colonnes et leurs jardins. Un univers très versaillais, à l'image de ce petit palais flottant posé sur un canal. 







Ainsi, de bus en bus, je glisse tranquillement sur ces routes d'Europe. Encore de long kilomètres qui forgent l'esprit. Si le bus file droit, sur de lui, je ne sais trop, quant à moi, de quoi je m'éloigne et de quoi je me rapproche. Je vais boucler la boucle, certes. Mais je sais que je ne reviens pas vraiment à moins point de départ. Mes bagages seront chargés d'un peu plus de certitudes et surtout de nouvelles envies. Un retour pour un autre départ en somme. Pour l'heure c'est Cracovie qui s'annonce au programme. L'ancienne capitale polonaise m'offre elle aussi une jolie vieille ville avec une très grande place centrale où un beffroi, une immense église et une intrigante halle marchande en pierre se partagent la vedette. Ma visite est un peu gâchée par la pluie qui s'invite au tableau. A l'autre bout de la cité sur une grande butte surplombant l'ensemble, on trouve la partie royale, haut lieu historique polonais. Dans la cathédrale, on trouve même au cœur de la nef les reliques de nombreux rois et dans la crypte les tombeaux de plusieurs artistes nationaux ce qui fait donc du lieu à la fois une basilique et un panthéon. 






Le lendemain, le temps est toujours gris, ce qui colle bien avec la thématique de ma journée. Je me rends à une heure trente de Cracovie dans la verte campagne polonaise. Je viens visiter des ruines du siècle dernier, théâtre des plus grandes horreurs commises par l'Homme. Me voilà donc à côté du petit village d'Oswiecim, plus connu sous son nom allemand: Auschwitz. Trois heures de visites pour plonger dans la noirceur de l'âme humaine. Un musée dans les anciens baraquements pour découvrir des amoncellements d'objets confisqués aux victimes. On passe dans une pièce où derrière une vitrine d'une vingtaine de mètres de long se dresse une montagne de restes de cheveux. Deux Tonnes. L'équivalent de 40.000 personnes. La guide assène ainsi des chiffres, des quantités, des volumes qui glacent le sang. Puis de nos yeux nous découvrons les conditions d'accueil. Les personnes qui passaient la porte du camps avaient perdus, aux yeux de leurs bourreaux, toute identité humaine. Du bétail à l’abattoir. Une méthodologie froide, une recherche de la productivité où la pitié était une insulte. On connaît tous cette histoire (plus certainement que celle d'autres génocides tout aussi horrible) mais y mettre des images est assez pénible. On traverse ces immenses lieux abandonnés. La scène est vide mais son silence est assourdissant. A chaque endroit, on imagine l'horreur invisible frapper les fantômes du passé. Puis vient le passage par la chambre à gaz et ses fours crématoires attenants. La seule restante que les nazis n'ont pas eu le temps de détruire avant leur reddition. Cette visite est une épreuve. Celle d’accoler une réalité visuelle à cette abomination historique. Je terminerais la journée autour d'une bière dans un bar animé. La Pologne joue son deuxième match du mondial. Demain, je change de pays.





article suivant: Clap de fin
article précédent: Mongolie, entre steppes et désert



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire