mardi 3 juillet 2018

Clap de fin

Après une semaine en Pologne, ma route passe à présent par la République Tchèque. J'y suis déjà venu trois fois. Trois fois en passant par Prague. Pour changer je vais esquiver la très belle capitale. J'aurais eu plaisir à redécouvrir le pont Charles, la vue du château sur sa colline, la place centrale et son horloge astronomique et le très populaire et captivant quartier Zizkov. Mais il est bien de voir de nouvelles choses, je choisis donc Olomouc comme destination. Petite agglomération au sud du pays où je visite un cœur de ville ensoleillé où l'on profite de l'ombre des terrasses des deux places centrales voisines. Une grande église trône autour de jolies façades colorées aux tons pastels. Agréable détour de mon voyage. Calme et apaisant.





Le lendemain, je rejoins l'Autriche et Vienne. Là aussi il s'agit de retrouvailles. C'est une très jolie ville. Peut être trop à mon goût. Trop riche, trop lisse. On chemine dans l'abondance de bâtiments d'envergure aux lignes classiques, d'imposantes statues et de longues colonnades. Depuis cette descente européenne, c'est la première fois que je ressens la force d'une ville. Tous ces riches édifices de pierre sont le témoignage minéral du pouvoir qui se dégageait d'ici. Les rues sont gorgées de touristes, ce qui tranche très nettement avec le calme de la veille à Olomouc. Une demi-journée sera amplement suffisante pour goûter à nouveau à l'atmosphère viennoise. Je poursuis ensuite ma route vers Munich qui est une de mes étapes clés de cette virée européenne. 





 
Munich est une ville dont je connais bien l'aéroport, lieu d'escale (avec Francfort) de nombreux de mes trips (la Lufthansa offre des tarifs imbattables au départ de Toulouse). J'avais bien envie de découvrir la ville cette fois. Je ne serais pas déçu, la capitale bavaroise est très accueillante. Une belle architecture s’enchaîne à mesure que je passe de rues en places. La tension de la coupe du monde suit mon voyage. Pour son dernier match de poule, l'Allemagne joue aujourd'hui contre la Corée du Sud. Un match qui doit être une formalité en principe. Mais, tout ne se passe pas toujours comme prévu. Au fil du match, mes voisins de comptoir se décomposent. L'Allemagne n'a jamais été éliminé à ce stade de la compétition. Il faut donc une première. Ce sera aujourd'hui. Je quitte le bar où je laisse une poignée de supporters hagards. Je me retrouve sur Marienplatz, la place centrale. Le lieu est toujours richement garni de touristes qui enchaînent les photos devant les monuments comme si de rien n'était. Mais à chaque fois que je croise le regard d'un(e) allemand(e) vêtu(e) de la tunique nationale, blanche ou verte, aux trois bandes et frappée des quatre étoiles je peux lire la détresse et la stupéfaction. Le lendemain le temps est pluvieux, au diapason de l'ambiance locale. J'en profite pour visiter la Résidenz. Le lieu de pouvoir des ducs et rois de Bavière. Le Versailles local en somme. Une aile est consacrée à l'exposition de l’impressionnant trésor (couronnes, épées, reliques et autres objets religieux...) qui pose bien le prestige des hôtes des lieux. Le château offre un ensemble de pièces, jardins, théâtre et chapelle dans les standards luxueux de ce que l'on peut découvrir dans ce type d'endroit. J'ai particulièrement apprécié l'antiquarium, vaste pièce voûtée tout en longueur offrant une belle luminosité.









Dans ce parcours européen, l'étape suivant Munich était également choisie de longue date : Fussen. Tout petit village allemand collé à la frontière de la Bavière et du Tyrol autrichien. Les trois heures de bus sont l'occasion de traverser un paysage très vert dans lequel se dessine au loin les Alpes. Je termine la journée à vagabonder, sous un soleil retrouvé, dans ce petit village à l'héritage médiéval. Je suis imité par beaucoup de touristes. Il faut dire que ce village n'est que la cerise sur le gâteau. La grosse pâtisserie est en effet à cinq kilomètres de là, une belle pièce montée toute blanche posée sur une petite colline au milieu de la forêt : le château de Neuschwanstein, celui-là même qui a inspiré Disney pour celui de la Belle au bois dormant. Un bijou de verticalité. Après l'avoir observé sur toutes ces coutures, je m'extrais de l’impressionnante foule pour m'aventurer plus loin sur un chemin de crête qui traverse la forêt et offre de belles vues sur le jolie lac voisin, des faux airs de Canada.










A présent, j'ai donc mis une croix en face de tous les lieux que je voulais découvrir sur ce petit voyage (à l'exception il est vrai de l'île de Pâques), je peux donc rentrer. Je comptais passer tranquillement par la Suisse, mais ça s'annonce assez cher et compliqué. Après quelques recherches, je trouve un vol à un prix plus que compétitif au départ de Stuttgart. Voilà donc ma dernière étape. Je profite des trois heures de train me menant à la capitale de Bade-Wurtemberg pour admirer le vert éclatant des pâturages allemands. De la gare jusqu'à mon hôtel, je ne suis pas tout à fait sûr d'être toujours en Allemagne. Les gens sont en très grande majorité vêtus aux couleurs de l'équipe de football de la Croatie et son caractéristique maillot à damier rouge et blanc. La Croatie affronte le Danemark en soirée certes, mais que font tous ces gens là. Plus je m'approche de l'hôtel, plus le phénomène s'amplifie pour atteindre son paroxysme dans la rue juste à côté de mon lieu de résidence. Une dizaine de camions de police sont stationnés prêts à bloquer la grande avenue. En quinze minutes de marche j'ai croisé ainsi, facilement, deux ou trois milles croates. Après documentation, il s'avère qu'une part importante de la population de Stuttgart est étrangère et que les croates en sont une grosse minorité représentant prés de 3%, soit environ 100.000 âmes dans l'agglomération. Ceci expliquant donc cela. Je décide de me joindre à cette foule pour le début du match. On dira ce qu'on veut sur le football mais ça reste un des rares événements réellement populaires capable de drainer une telle passion.

Le lendemain pour la dernière journée à proprement parlé de mon voyage, je déambule donc dans Stuttgart. Là aussi, je découvre une ville agréable, une longue avenue piétonne et commerçante qui descend de la gare et sert de véritable colonne vertébrale au centre-ville. Une grande place centrale animée, un marché, un sympathique parc avoisinant et de nombreux jolis monuments à admirer. La recette est connue et les ingrédients sont là. Une autre ville qui présente tous ces atouts c'est Toulouse bien sûr. Hâte de la retrouver.



Voici donc l'heure des premiers bilans. Le moment où tu regardes en arrière et contemple le chemin parcouru. Ça donne un peu le vertige. 345 jours, 30 pays, plus de 100.000 kilomètres. La moitié en avion et l'autre partie directement sur la croûte terrestre et ses océans. Quand tu avances quotidiennement, sac sur le dos, de ville en ville, d'émerveillement en émerveillement, tu ne réalises pas vraiment ce que tu a accompli. Traverser l’Atlantique en cargo, camper au Canada, se réveiller sous les neiges du parc Yellowstone, suivre les traces des mayas, aller au bout du monde à Ushuaïa, fêter la nouvelle année à Valparaiso, saluer les dauphins de Nouvelle Zélande, partager le quotidien d'une famille hmong, voir le jour se lever sur Angor Vat, se dorer au soleil sur les plages thaïlandaises, re-tomber amoureux du japon, dormir sous une yourte chez les nomades mongols et tant, tant, tant d'autres choses. Et là encore, quand j'écris ces lignes, je ne mesure certainement pas encore totalement tout cela. Il va falloir du temps, de la digestion, pour réellement réaliser. Toutefois, j'ai déjà conscience de beaucoup de choses. De belles sensations. Celle tout d'abord de m'être libéré de quelque chose. Quelque chose de lourd, d'indicible, de sournois, d'inconscient qui nous limite au quotidien. Cette liberté et son ivresse ont été mon moteur de début de voyage. Elles m'ont mené à un état de sérénité. Celui où tu réalises que tu ne pourrais pas être ailleurs à cet instant précis, que tu es au meilleur endroit pour vivre le moment présent. Ce sentiment je l'ai éprouvé une bonne dizaine de fois. Et à mesure que j'avançais, cette état de plénitude s'est transformé en force et en puissance. Affranchi de mes lourdeurs quotidiennes passés, compagnon du temps qui passe, mon esprit à profiter de tout ce nouveau décor pour s'évader sans arrêt et découvrir de nouveaux horizons, de nouvelles questions, de nouvelles richesses. Le voyage est certainement la meilleure et la plus douce des drogues.

Il est temps à présent d'atterrir, de revenir à plus de normalité, de banalité. Pas de réalité. La réalité j'y étais en plein dedans pendant un an. Je ne pouvais pas être plus dans la réalité des choses d'ailleurs. Après deux ou trois semaines de vacances à l'étranger durant lequel on a goûté à un ailleurs troublant on a tendance à sombrer de nouveau bien vite dans un quotidien qui efface ces réalités de voyage pour n'en laisser qu'une vague trace lointaine dans nos souvenirs. Je ne veux pas de cette amnésie. Je vais continuer d'avancer les yeux bien ouverts. On verra bien ce que l'avenir me propose mais il va être dur d'arriver à m'enfermer de nouveau sur une route que je n'ai pas tracé. Plus que jamais je vais préserver cette liberté à laquelle j'ai goûté. Le temps le dira mais je me sens armé pour ça à présent. On dit souvent qu'il faut rêver sa vie et vivre ses rêves. C'est cliché, mais cependant cela ne peut pas être plus vrai. On a qu'une vie, la sienne. Il faut en profiter et ne pas avoir peur d'explorer nos propres envies. La peur paralyse mais les regrets eux sont certainement bien plus redoutables.

Ainsi va s'achever la trace de mon voyage. Il va être temps de refermer ce livre digital. Le fermer provisoirement car je compte bien y écrire de nouvelles lignes. Celles d'une nouvelle histoire, mais je les garderai certainement pour moi cette fois ci. Je vous remercie pour l’intérêt que vous avez apporté à ce blog et pour les nombreux messages que vous m'avez envoyés. Cela a été une force sur la route. Cela a été un plaisir de l'écrire. Là aussi, je suis content d'avoir pu et su trouver l'espace pour réaliser une de mes envies, l'écriture. J'espère que la lecture aura été inspirante et qu'elle vous aura, également, donné envie de devenir vous aussi acteur de votre propre histoire. Bon voyage, quel qu'il soit.

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