vendredi 1 septembre 2017

Vancouver, le Pacifique de sève et de sable

Le soleil commence à pointer son nez et me sort de ma torpeur. Le bus traverse les premières habitations de la banlieue de Vancouver. A 6h je suis déposé à la gare avec la quarantaine de passagers embarqués la veille. Dans le hall, en rempaquetant mon sac, j'observe une file se former devant un bureau de douane. L'embarquement du train pour Seattle. Très certainement une étape que je devrais passer plus tard. Mais pour l'heure, il est temps d'explorer la côte pacifique canadienne.


La première chose qui m'a frappé en parcourant à l'aurore une ville encore somnolente, c'est la présence de mouettes, l'océan est proche. J'arpente la première rue qui part de la gare et je débouche dans Chinatown. Un grand quartier, à l'image de la population asiatique de la ville. A vue d’œil, je dirais un habitant sur deux. Les européens ont peuplé la côte est nord-américaine, les asiatiques, eux, immigraient vers le nord-ouest, de l'autre coté de leur océan. Et ça se ressent dans le choix de restauration proposé en ville (chinois, coréen, japonais, vietnamien, malaisien...) Une ville assez cosmopolite, l'anglais est loin d'être la seule langue employée lors des conversations.

Une fois mon sac déposé à l'accueil d'un centre commercial, je longe le front de mer et mon oreille est soudain attirée par un vrombissement de moteur. Je tourne la tête et assiste à l’amerrissage parfait d'un hydravion. Ces petits engins ont accaparé un couloir de mer pour en faire une piste d'où ils se posent et décollent dans un balai bien rodé.


Ma promenade me mène à l'ouest de la ville, là où l'urbanisation cesse et où débute Stanley Park, un immense espace de verdure. J'aurais plutôt qualifié cela de forêt tellement la végétation est dense et haute. Une multitude de sentiers permettent de parcourir, à pieds ou à vélo, les bois et de découvrir clairières et étangs. Un vrai labyrinthe où l'on pourrait s'égarer. Je m'y suis d'ailleurs perdu. J'ai finalement débouché sur une plage généreusement garnie de plaisanciers. Les étendues de sable se succèdent sur tout le pourtour de la ville. Les pieds au bord de l'eau, on peut observer les montagnes légèrement enneigées au loin. Et hormis les fines tours à dominante de verre (pour capter au mieux la faible luminosité hivernale) de la petite presqu’île centrale, on n'observe aux alentours que des ensembles pavillonnaires noyés dans la verdure. Cette ville transpire la nature.


En face du centre, sous un immense pont, se niche la petite île de Granville. On la rejoint en traversant un semblant de rivière (baptisée assez justement la « fausse rivière » par ailleurs) en « aquabus ». On déambule dans l'ensemble de petits marchés artisanaux qu'elle abrite dans des constructions de bric et de broc. Un autre bel endroit pour flâner bien que gorgé de touristes et de locaux.



La nature est aux portes de la ville. Je décide donc de la gagner et embarque sur le ferry joignant le continent à l'île de Vancouver. Dans le hall d'attente j'échange avec un jeune québecois de Montréal qui vient de traverser le pays d'est en ouest le pouce levé car il avait « envie de voir l'océan pacifique avant la rentrée de septembre ». Il me décrit son périple rocambolesque. On parle également de Montréal et du quartier du Plateau « où se concentrent les français. Ils critiquent en permanence la France, ça donne pas envie de venir chez vous ». Tu m'étonnes. Finalement après une heure de traversée, je débarque à Nanaimo, seconde ville de l'île. Je récupère ma voiture de location (on est revenu sur un modèle plus standard). Je longe la côte dans un flux automobile important, puis après une trentaine de kilomètres je bifurque à gauche sur la route 4 qui plonge en direction du parc national de Pacific Rim. Mon camp de base sera Port Alberni, une grosse bourgade portuaire au cœur des terres, posée au bout d'une sorte de long fjord.

De l'autre coté de l'île après une heure et demie de route vallonnée on débouche sur le cœur touristique. Une bande routière de trente bornes relie deux villages : Ucluelet et Tofino. Pas de charme particulier, mais le quartier général de toutes les activités disponibles (surf, kayak, tour en hydravion, excursion aux baleines...). Entre les deux villages, un ensemble de forêts et de longues plages. Des plages brutes balayées par le vent qui ne s'offrent qu'aux surfeurs. Le sable tassé et humide n'arbore que des gravillons et du sel. Sous un ciel gris, les jeunes en combinaison tentent de dompter les vagues naissantes d'un océan pacifique vigoureux. 


Les jours suivants, je décide de sortir des sentiers battus, j'abandonne la route 4 pour des chemins de traverses. L'asphalte disparaît, je slalome entre les ornières sur des routes terreuses (je commence à regretter mon tank). Ces routes secondaires mènent à un Canada confidentiel fait de lacs de montagne, de belles forêts d'arbres gigantesques et de jolis ruisseaux aux cascades secrètes. Sur ces longues routes tortueuses et malgré le chaos de la poussière qu'on soulève on retrouve le calme d'un environnement désert. On croise à l'occasion quelques 4x4 chargés de canoës partis en expédition.



 



Après trois jours fantastiques au cœur du poumon vert de l'île, je rends la voiture à Nanaimo dans le but de descendre vers la capitale de l'île mais aussi de l’État : Victoria, 120 bornes au sud. J'aurais pu choisir de prendre mon bus « Macron » nord-américain préféré (Greyhound) mais j'ai préféré tenter le stop, sur un coup de tête. A peine deux minutes dans l'exercice que je suis pris par un homme à bord d'un pick-up. Gentiment il me dépose 40 bornes plus loin. A peine le temps de descendre et de déposer mon sac qu'une autre voiture s'arrête (45 secondes d'arrêt, ma chance). Me voilà en route pour Duncan, à 50 bornes de mon but final. On échange sur mon voyage et mon sentiment du Canada. Ma conductrice, écologiste avertie, semble très touchée par le retour ultra positif que je lui fais sur la qualité de la nature canadienne et le comportement de la population pour la préserver (entretien, recyclage, protection de la vie sauvage...). Elle m'avoue que pour une nation récente sans longue histoire, la nature c'est leur trésor national. A ces mots, je sens comme un complexe par rapport aux cultures européennes (monuments, courant intellectuel...). On traverse Duncan, qu'elle me présente comme le cœur de sédentarisation des populations autochtones de l'île. Puis elle me dépose à la sortie de la ville, à trois quart d'heure de Victoria. Et là, je redécouvre l'humilité. Le pouce levé, je vais rester deux heures à un carrefour sans succès. La seule voiture qui va s’arrêter c'est un homme qui souhaite passer un coup de fil. Il faut se rendre à l'évidence, mon expérience d'auto-stoppeur va s’arrêter là. Duncan étant ravitaillée par les corbeaux, je vais poireauter dans le centre commercial en attendant de prendre un bus de ma compagnie préférée en fin de journée.

Je ne profiterai donc des charmes de Victoria que le lendemain matin à l'aube. Victoria est le cœur de la colonisation britannique de cette partie du Canada (il n'y a qu'à voir le nom de l’État : Colombie Britannique). Au centre-ville, on retrouve une architecture européenne 18eme siècle. Au bord du port, entre les hôtels de luxe caractéristiques, les statues commémoratives, l'odeur de cheval laissée par les calèches et l'accent british typique de certains expatriés on se croirait revenu deux cents ans en arrière dans la campagne londonienne. Presque à en voir les voitures rouler à gauche.




Ce sera ma dernière vision du Canada. Une belle petite vingtaine de jours à partager les charmes de la nature avec une population chanceuse et très chaleureuse. Ma route passe maintenant par un ferry à destination de Seattle. Il est écrit que je ne rentrerai aux États Unis que par voie maritime. Le passage par l'immigration sera moins problématique que dans le New Jersey, mais restera tout de même sous un fond de suspicion. Après les questions réglementaires me voilà parti pour deux heures et demie de traversée en direction de la Rainy City.

Vidéo de mon séjour canadien

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