jeudi 12 avril 2018

Carrefour du monde

Après deux longues heures de descente sinueuse depuis les montagnes de Tanah Rata, mon bus me dépose à Kuala Lumpur sur les coups de midi. Vraie première ville « moderne » depuis Bangkok puisque c'est en métro que je rejoins mon hôtel, dans le quartier chinois. C'est de bonne humeur que je me lance, en milieu d'après midi, dans l'exploration des alentours. Je commence par l'édifice Sultan Abud Samad. Un bâtiment de moins de deux siècles construit durant l'occupation britannique. Une jolie construction de type mauresque. A deux pas de là, de l'autre côté d'un petit canal, c'est une mosquée qui se fait toute petite entre les buildings de grande hauteur. Rapidement à Kuala Lumpur on s'aperçoit que tout se mêle : modernité, religion, business, histoire... A peine une heure de visite que mon enthousiasme se retrouve cependant douché au sens propre comme figuré. J'avais naïvement sous estimé l'imposante averse quotidienne de fin d'après midi. Je slalome entre les gouttes et progresse relativement au sec à la faveur des arcades qui m'offre de sèches coursives. Je trouve refuge au cœur du quartier chinois, dans Penang street. Cette longue rue piétonne commerçante est en effet couverte, on peut donc remonter les différents étals en bois à l'abri des intempéries. En soi, rien de bien impressionnant ou dépaysant sauf peut être si on aime les contrefaçons de t-shirts, chaussures, sacs... Non, ce qui est marrant dans ce quartier, c'est de pouvoir voir dans la même rue, un temple taoïste puis un temple bouddhiste traditionnel faire face à un temple hindou à la façade colorée et surchargée.







Le lendemain je m'organise une petite boucle pédestre de la ville. Je passe par le quartier indien pour me rendre au quartier d'affaire et ses buildings rutilants dont les fameuses Petronas Tower, véritable emblème du pays. Au pied des tours on trouve un immense mall commercial que je traverse afin de profiter de la fraîcheur de la climatisation. De l'autre côté, je débouche dans un petit parc qui offre de belles vues sur ces tours jumelles. Je passe ensuite par le quartier de Bukit Bintang qui est vraiment la zone commerciale de la ville. Ce coup-ci, j'ai bien minuté ma visite puisque c'est de ma chambre d'hôtel, à peine rentré, que je pourrai voir le ciel zébré d'éclairs se déchirer dans un grondement impressionnant et déverser des trombes d'eaux dans des rues encore fortement peuplées. Une fois la nuit tombée et le ciel apaisé, je sors m'offrir un dernier repas dans la capitale. Je choisi indien. L’occasion de malheureusement constater pour mon palais que l'expression « peu épicée » ne se comprend pas de la même manière entre français et indien. 





 

Mon étape suivante sera Malacca, charmante petite ville coloniale dont le gigantesque centre commercial ne laisse pas de doute sur l'entrée dans la modernité de la cité. Outre les traditionnelles shophouses (les maisons accolées à arcade) et les classiques quartiers chinois et indiens, ce qui marque à Malacca c'est le quartier hollandais avec son église et ses immeubles aux façades rouge. La Malaisie c'est ça, ces diasporas indienne et chinoise qui cohabitent avec les malaisiens dans cet héritage architectural laissé par les visiteurs portugais, hollandais et anglais. Pas moins de cinq religions sont ainsi assez visibles. Les églises, minoritaires mais ben présentes, se dressent à côtés des temples (bouddhistes, taoïstes et hindous) et des mosquées. A mon sens, le plus beau monument de Malacca est d'ailleurs un édifice religieux. De l'autre côté de la ville, sur une petite île accessible par un pont, au bord de la plage, la mosquée Selat est posée sur la mer. Elle repose à fleur d'eau, soutenue par des piliers en béton. Je rejoins les quelques touristes sur la jetée adjacente pour profiter du couché de soleil. A mesure que la clarté baisse, des lumières vertes viennent colorer les façades blanches de la mosquée. Le doux bruit monotone des vagues embellit le tableau. Le calme enveloppe l'espace et d'un coup une voix monte dans la nuit et transperce le silence. La brise porte vers l'horizon les déclamations du muezzin. Les sonorités des prières musulmanes sont magnifiques et ont quelque chose de très apaisant.










Le lendemain je prends à nouveau le bus pour quitter la Malaisie et regagner l'île-cité-Etat de Singapour, à trois heures de là. Ici aussi le passage de frontière semble sans encombre. Mais j'ai décidé de corser un peu la chose. Après une grosse de mi heure de queue, je me présente au guichet sans avoir rempli au préalable le bordereau d'admission, ce qui a le don d'irriter mon interlocuteur. Ce dernier me tend ledit document et m'invite à retourner au bout de la queue qui fait maintenant le double. A vue de nez, une heure supplémentaire donc. Pas sur que le bus m'attende aussi longtemps. La policière du guichet voisin a bien compris mon désarroi et aimablement traitera mon admission et mettra fin à mon embarras.

La fulgurante ascension de Singapour trouve naissance dans le développement commercial initié par les anglais au XIXéme siècle (à l'instar de Penang et Malacca). Cet important port asiatique sera surnommé par la Couronne le Liverpool de d'Orient. La ville sera le lieu de transit de nombreux produits et travailleurs. Un essor qui se verra refroidit par la seconde guerre mondiale. De 1942 à 1945, la ville sera en effet occupée par les Japonais. C'est donc au sortir de cette guerre, que cette ville marchande va devoir s'inventer un avenir de nation autonome. C'est en visitant le musée national que j'ai pu apprécié cette chronologie de Singapour, la ville du lion.





Comme ailleurs, nous retrouvons ici les quartiers chinois et indien, mais en version nettement plus large. Viennent s'ajouter Kampong Glam, le quartier arabe où trône au bout d'une rue piétonne une très jolie mosquée et enfin, le quartier du centre et ses immenses buildings aux lignes architecturales modernes mais sobres. Je réside légèrement en marge, à l'est, dans le quartier de Geyland. Ambiance assez populaire dans ce secteur mêlant indiens et chinois. A chaque coin de rue on trouve une cantine ouverte sur la chaussée. A toute heure de la journée, on croise des locaux assis autour de tables en plastiques se délectant de plats plus épicés les uns que les autres. L'endroit offre un bon rapport qualité/prix en terme d'hébergement et une proximité du centre plus que correcte, toutefois je ne croiserai que très peu de touristes ici.


 

A Little India, je m'aventure dans le temple hindou central. Un autre monde. Les gens baisent les marches, font tinter les cloches des portes, se mettent à plat ventre et embrasse le sol tout en tapotant celui-ci avec leur crâne et en marmonnant des prières. On fait la queue à un guichet pour acheter des offrandes, on pratique tout un cérémonial autour des différentes statues qui composent le lieu. Au cœur du temple, on se presse pour apposer les mains au dessus de bougies bénies par des moines en toges.



De l'autre côté de la ville, en son cœur, au pieds des buildings et au bord de l'eau, on retrouve le Merlion, statue d'un lion qui se pose fièrement en défenseur de la skyline singapourienne. Il est mitraillé à longueur de journée par les objectifs des touristes qui se pressent sur l’esplanade. Chacun tenant absolument à figurer sur un cliché souvenir. Comme à chaque fois, cela m'amuse d'observer les touristes (essentiellement chinois) se mettre ainsi en scène. De l'autre côté de la baie, se dresse un autre monument emblématique : l'hôtel Marina Bay Sands. Le fameux hôtel aux trois tours coiffées d'une toit en forme de bateau. L'hôtel est la seule résurgence de ce coté-ci. En soi, hormis le haut de l'édifice, rien de bien extraordinaire. Les trois tours de l'immeuble sont en effet assez communes en terme d'architecture. Ce qui doit être moins commun, ce sont les vues. D'un côté on voit tout Singapour, et de l'autre on plonge sur le gigantesque parc de Gardens by the bay. Dans cette vaste étendue de verdure, au dessus de la canopée, émergent de drôles de structures métalliques végétalisées en forme d'arbres: les supertrees. La ballade est très agréablement et mènent vers les deux grands dômes de verres situés à l’extrémité. Tels deux globes d’insectes, ces sphères ultra-modernes (et climatisées) offrent une ambiance « fleur » et « forêt ». Tout est astucieusement pensé pour que la promenade soit la plus agréable possible et proposent les meilleures vues sur la multitudes d’essences proposées. La fin du tour se termine par le passage dans un petit théâtre en sous-sol où après nous en avoir mis plein la vue on s'adresse à notre cerveau en diffusant plein de mini-clips sensibilisants sur l'impact de l'activité humaine sur la nature. C'est assez bien fait et plutôt intelligent, même si je trouve ça un peu démago quand on pense qu'on se trouve dans une immense serre climatisée.





 




Je profiterai d'être à Singapour pour finaliser les derniers préparatifs de mon aventure. Après avoir acheté mon JR Pass qui me permettra d'accéder à l'ensemble du réseau ferroviaire japonais, je me dirige vers l'ambassade de Mongolie, située au dernier étage d'un magnifique immeuble du début du XXème siècle. Je m'y rends pour ma demande de visa. Ambiance feutrée, mobilier en bois, épaisse moquette, mon aspect touriste dénote un poil dans ce cadre tourné diplomatie. En effet, les singapouriens étant dispensés de visa pour la Mongolie, l'ambassade n'est essentiellement visitée que par des diplomates. Je dépose la paperasse (que j'ai bataillé pour réussir à imprimer) et ma preuve de paiement (que j'ai bataillé à faire dans une banque) à la secrétaire, à l'accueil. J'ai du apporter la preuve d'un trajet de sortie du pays. A la base je voulais tenter la Russie et m'y rendre en transsibérien. Mais la manœuvre semble complexe. Il faut également un visa et je ne suis pas sur de pouvoir réussir à faire à Tokyo ou à Oulan-Bator. Je joue donc la sécurité et opte pour un vol à direction de l'Europe. Mais je ne me vois pas finir mon voyage comme ça, directement à l'aéroport de Toulouse-Blagnac. Ce serait trop brutal. Je regarde donc les destinations possibles et opte pour le nord et Helsinki. Cela me permettra de découvrir un peu la Finlande, les pays baltes et la Pologne. Dans un peu moins de trois mois je devrais donc être de retour en France. Encore un peu moins de cent jours à profiter, et ça commence de suite par ma prochaine étape : Bali en Indonésie.

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